Nice-Matin (Cannes)

Benoin : « Ça marche très fort, il faut tout changer »

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A la base, il était venu pour lancer les choses. Puis, est passé pour de bon de l’autre côté du Var. Après avoir dirigé le TNN durant douze ans, Daniel Benoin oeuvre aux manettes du théâtre Anthéa depuis sa création. Un challenge relevé avec brio, assurément…

Il y a cinq ans, vous voyiez en Anthéa un espoir. Vous êtes toujours optimiste donc ?

Les résultats donnent forcément raison à cet optimisme-là. On ne va pas tourner autour du pot : c’est une réussite on a énormément de public et nous sommes partis de zéro. J’avais prévu qu’au bout de trois ans on devait avoir   spectateur­s. Aujourd’hui on est à  , c’est bien plus que tout ce que l’on pouvait imaginer. Et ce n’est pas sans poser de problème…

C’est-à-dire ?

On s’est un peu sousdimens­ionné au niveau de l’équipe. Mais elle est très jeune.

C’était une volonté ?

Oui. Ce n’est pas du jeunisme à tout prix. Mais beaucoup d’entre eux n’avaient jamais travaillé dans un théâtre et démarrer en même temps qu’un théâtre c’est quelque chose de rarissime ! Pour ma part, c’est la première fois que j’ai pu choisir mon équipe. Dans tous les théâtres que j’ai dirigés, la moyenne d’âge globale tournait autour de  ans. Là on est autour de - ans.

Et il fallait créer un public…

Beaucoup de gens n’étaient jamais venus au théâtre avant Anthéa. Il y avait presque un aspect pédagogiqu­e qui consistait à montrer des choses populaires et pointues.

Est-ce qu’Anthéa a atteint sa capacité maximale ?

Je ne sais pas exactement. On a beaucoup de représenta­tions déjà mais on va forcément être limités par le nombre. Je pense que la limite maximale doit être de l’ordre de   spectateur­s par saison. Oui, on n’est pas loin du maximum dans la configurat­ion actuelle. On sait très bien que cela va arriver un jour. Et que ce jour ne sera pas un jour de désespoir. La question sera : comment rester au maximum en faisant des choses nouvelles ?

Tout l’enjeu est là !

Au début de saison j’ai dit à toute l’équipe : « Ça marche très fort, il faut tout changer ». C’est Camus qui disait ça ! C’est vrai, il faut se remettre en question.

C’est votre démarche actuelle ?

Oui. J’essaie de voir tous ceux qui travaillen­t ici pour leur demander un à un pour discuter de ce que l’on peut faire, où l’on va…

Vous avez déjà la réponse ?

Il y a deux hypothèses. Soit on va vers un réseau public chapeauté par l’État : l’idée d’une scène nationale. Ce qu’on pourrait avoir largement déjà. Mais la question c’est de savoir si c’est bien d’être une scène nationale aujourd’hui ? Il y a un désengagem­ent de l’État qui est fort, appuyé sur l’idée qu’il pourrait y avoir de nouvelles solutions. Est-ce qu’on est une de ces nouvelles solutions ? On n’a pas un centime de l’État et quand il nous dit qu’il peut peut-être venir, je lui dis qu’à ce point-là il faut venir avec beaucoup d’argent. Et ma relation avec Jean Leonetti est importante. C’est ma tutelle, je peux parler avec lui de tous les problèmes. Je ne suis pas sûr d’avoir envie d’entretenir un rapport – avec la ministre de la Culture peut-être – mais avec les gens qui travaillen­t en dessous d’elle. Oui je ne suis pas très sûr…

Et la seconde hypothèse ?

Rester comme on est. Et être tout à coup un cas d’école par rapport à la crise actuelle des théâtres en France. En général ce genre de théâtre ne marche pas, à quelques kilomètres d’une grande ville : comme à Bordeaux, Lyon. Ça ne marche pas.

Cette décision, vous devez la prendre rapidement ?

Non c’est une durée assez longue. Ça dépend déjà de la tutelle actuelle aussi. L’État quand il rentre impose des règles.

Un cahier des charges…

Qui n’est pas forcément embêtant. J’ai été directeur pendant  ans de centres dramatique­s nationaux et théâtre nationaux : le cahier des charges c’était  % de la marge artistique au bénéfice du théâtre. Ici, je n’ai pas de règles :  % de théâtre,  % de théâtre vivant.

C’est quoi le secret de l’essor d’Anthéa: vous l’expliquez?

J’ai dit assez souvent qu’on n’a qu’une idée dans sa vie. Celle que j’applique depuis toujours c’est l’abonnement dirigé : la formule continue de fonctionne­r. Ensuite, je mets l’accent sur la création. Le plateau est le centre de la maison. Il y a également la structure socioprofe­ssionnelle de la région qui joue. Peut-être aussi la présence de retraités importante qui va au théâtre ici.

La réussite : c’est une surprise ?

À ce point-là ? Oui.

Vous êtes heureux ?

Oui. Absolument.

Vous sentez-vous libre ?

Oui. Tout à fait.

Comment voyez-vous Anthéa dans cinq ans ?

Ah c’est la question que je pose à tout le monde dans l’équipe en ce moment ! Eh bien justement je ne vais pas y répondre ! [rires] Dans cinq ans je pense que je serai encore ici. Enfin, sauf si on m’a demandé de partir. Mais ça devrait être comme une sorte de limite je pense. Et après, je ne sais pas… Non, en fait : je ne sais pas mais je sais en même temps. Mais je ne peux pas vous le dire aujourd’hui. [sourire]

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Daniel Benoin, directeur du théâtre Anthéa.

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