Nice-Matin (Cannes)

L’héritage maudit

Un jugement rendu par le Tribunal de Monaco remet le palace cannois sur le devant de la scène. Et offre à la famille Martinez de nouvelles raisons de croire en une happy end

- ÉRIC FAREL efarel@nicematin.fr

Depuis  ans, les héritiers d’Emmanuel Martinez se battent pour récupérer le palace cannois. Un récent jugement rendu à Monaco pourrait relancer l’affaire. Le petit-fils, Phillip Kenny, témoigne.

Ils sont peu de Cannois à connaître l’histoire. Il n’est donc sans doute pas inutile de rappeler ce qui se cache derrière la façade et sous le faste de l’hôtel Martinez : un scénario qui aurait largement pu inspirer un cinéaste hollywoodi­en ; un bio pic au final tragique qui se termine par la mort du personnage central, ruiné et, à ce jour, toujours pas rétabli dans ses droits. Allez, remontons le temps...

Un rêve qui tourne au cauchemar

Cap sur l’entre-deux-guerres, au beau milieu de la mythique Croisette, là où tout commence. Emmanuel Martinez est un homme reconnu dans le domaine de l’hôtellerie de standing. Ce self-made-man italien au patronyme espagnol, fils de baron, s’est retrouvé à la tête des plus beaux établissem­ents de l’époque sur la Côte d’Azur et dans la capitale. Et il nourrit depuis quelque temps un rêve fou : bâtir son propre hôtel et le baptiser de son nom. L’homme a de l’argent, de l’ambition, des relations et son projet, pour parler franc, a de la gueule. Bientôt, c’est un palace de sept étages qui, face à la mer, sur une Croisette encore raisonnabl­ement sollicitée par la pression immobilièr­e, voit le jour et accueille, pour son inaugurati­on, les caciques du moment. Le rêve est devenu réalité. Mais il va virer au cauchemar... Car la crise n’est pas loin. Celle, économique, de 1929 tout d’abord qui pèse sur la clientèle huppée du Martinez. Mais surtout, quelques années plus tard, la guerre éclate et elle va jeter à terre toutes les belles ambitions d’Emmanuel Martinez. En quelques mois, l’hôtelier perd tous ses biens... et son honneur. Ce qu’il ignore encore, c’est qu’il ne les recouvrera jamais. Ni lui ni, après sa mort en 1973, sa fille Suzanne et ses petits-enfants qui n’auront pourtant de cesse de se battre pour faire valoir leurs droits.

Un document qui relance l’espoir

La vie d’Emmanuel Martinez fut un roman. L’histoire de son hôtel reste une saga aux multiples rebondisse­ments. Dernier en date : un rapport de l’État monégasque révélant que la famille Martinez ne doit plus rien à l’État français depuis 1966 alors qu’elle a été contrainte à lui verser de lourdes annuités suite à une décision de justice (Le Canard Enchaîné du 4 avril). Car Martinez, convaincu de collaborat­ion avec l’ennemi (lire par ailleurs) avait été jugé solidaire de la dette de Mandel-Michel Szkolnikof­f, un triste sire qui, sous l’occupation, fricotait avec le régime nazi. Ce document donc, relance l’espoir des héritiers. Selon les informatio­ns du Canard, après le placement sous séquestre de l’hôtel, la France a toujours refusé de livrer à la famille le montant précis des remboursem­ents effectués sous formes de cessions d’actifs ou de bénéfices réalisés sur les biens séquestrés. Mais le 14 juin dernier, Suzanne Martinez-Kenny a obtenu du tribunal de Monaco les détails de cette comptabili­té, lui révélant qu’après 1966 le fisc n’aurait pas dû réclamer de l’argent aux Martinez. On devine que les actuels propriétai­res du cinq-étoiles, qui fêtera ses 90 ans l’an prochain, doivent se poser quelques questions...

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Photos : collection TRAVERSO et archives personnell­es de la famille MARTINEZ
 ??  ?? Depuis la terrasse du Miramar, on aperçoit l’hôtel Martinez au second plan.
Depuis la terrasse du Miramar, on aperçoit l’hôtel Martinez au second plan.
 ??  ?? Emmanuel Martinez (à dr.) peut encore trinquer à sa bonne fortune.
Emmanuel Martinez (à dr.) peut encore trinquer à sa bonne fortune.
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attablée en bonne Martinez-Kenny Suzanne salons du Martinez. dans les compagnie
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Avec sa fille unique, Suz

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