Nice-Matin (Cannes)

Les protagonis­tes d’une incroyable saga

- E. F.

Il est, on peut le dire, celui par lequel le malheur des Martinez est arrivé. Mandel (dit Michel) Szkolnikof­f, Biélorusse né en , est considéré comme l’un des principaux « collaborat­eurs économique­s » de la France occupée pendant la seconde guerre mondiale. Arrivé en France dans les années , il devient l’un des fournisseu­rs de l’armée allemande puis de la SS et fonde de multiples sociétés hôtelières et immobilièr­es ayant leur siège à Monaco. Il rachète plusieurs palaces, convoite le Martinez, et étoffe son patrimoine estimé à deux milliards de francs de l’époque. À partir de , Skzolnikof­f effectue plusieurs voyages en Espagne, sans doute pour y mettre sa fortune à l’abri. C’est là qu’en , les services secrets français le retrouvent et le ramènent, mort, en France. Mais la justice française, qui n’est pas convaincue de son décès, le condamne à mort par contumace ainsi qu’à une très forte amende dont le fondateur du Martinez, soupçonné d’être en affaire avec lui, est reconnu « solidairem­ent responsabl­e ». A lire sur le sujet : « Szkolnikof­f : le plus grand trafiquant de l’Occupation », de Pierre Abramovici, Ed. Nouveau Monde, 350 pages, 22 euros.

Contrairem­ent à ce que laisse paraître son patronyme, Emmanuel Martinez est un Italien. « Un Sicilien même, corrige son petit-fils, Phillip Kenny, qui était né le er janvier  à Palerme, mais descendant d’une vieille famille de la noblesse espagnole et dont le père, Giovanni Martinez, était baron. » Avant ses déboires et les graves accusation­s portées contre lui, l’homme bénéficie d’un énorme crédit dans le monde internatio­nal de l’hôtellerie de luxe. Son rêve, construire son propre palace sur la Côte d’Azur. Il le concrétise le  avril , en déposant les statuts de la « Société des Grands Hôtels de Cannes. » En septembre de la même année, il achète sur la Croisette, la « Villa Marie-Thérèse », alors propriété d’Alphonse de Bourbon, puis dépose sa demande de permis de construire à la mairie de Cannes. Le projet est confié à l’architecte niçois Charles Palméro et la constructi­on de l’établissem­ent à un entreprene­ur de Marseille : la Société d’Anella et Frères. Jusqu’à la fin de sa vie, Emmanuel Martinez se battra pour le rétablisse­ment de ses droits et la rétrocessi­on de ses biens. En vain. Il s’éteint, ruiné, le  septembre , à Gênes en Italie, à l’âge de  ans.

C’est un fait, Emmanuel Martinez était un homme à (belles) femmes. Il est marié légitimeme­nt à une Française qui s’appelle Marie Maldiney, et fréquente une maîtresse du nom d’Emma Digard. Mais il n’a pas d’enfant, ni avec l’une ni avec l’autre. Il apprend cependant que l’une de ses employées, avec qui il a eu une liaison, est enceinte de ses oeuvres. C’est ainsi qu’en  naît la petite Suzanne. Abandonnée par sa mère, celle-ci ne peut être officielle­ment reconnue par son père qui demande à sa maîtresse de l’adopter. Suzanne devient ainsi Micheline Digard. Pendant la guerre, et malgré l’occupation de son hôtel, Emmanuel Martinez marie sa fille unique à l’un des membres d’un réseau d’évasion pour les aviateurs anglais, un Canadien du nom de Tom Kenny qui travaille pour l’Intelligen­ce Service. Ils auront trois fils : Patrick, Phillip et John. Mais Suzanne (elle a repris son prénom de naissance) Digard-Kenny, ne s’appelle toujours pas Martinez. Et ce fut un premier combat que d’acquérir ce patronyme, droit qu’elle n’obtiendra qu’en . Aujourd’hui âgée de  ans, elle vit à Paris et se préoccupe toujours, avec ses fils, de réhabilite­r son père (et donc sa famille) dans son honneur et dans ses droits.

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