Nice-Matin (Cannes)

Danse sur un volcan

- PROPOS RECUEILLIS PAR PHILIPPE DUPUY pdupuy@nicematin.fr PH. D.

Après le succès du Brio ,le film d’Yvan Attal dans lequel il donnait la réplique à Camélia Jordana, Daniel Auteuil repasse derrière la caméra pour son premier film non adapté de Pagnol. C’est une pièce de Florian Zeller, L’Envers du décor, qu’il a choisi de porter à l’écran après l’avoir jouée près de 400 fois au théâtre. L’histoire d’un éditeur, prénommé Daniel, qui reçoit à dîner son meilleur ami (Gérard Depardieu) accompagné de sa nouvelle jeune et jolie fiancée (Adriana Ugarte). Devant la beauté de cette dernière, le voilà qui se prend à rêver durant tout le dîner à la vie qu’il pourrait avoir avec elle. Ce que sa femme (Sandrine Kiberlain), qui le connaît bien, n’apprécie que très moyennemen­t… Aux Rencontres d’Avignon, où il se sent forcément un peu chez lui, l’acteur réalisateu­r a répondu à nos questions.

Pourquoi adapter au cinéma cette pièce que vous avez jouée si souvent ?

J’avais envie de parler des pauvres hommes que nous sommes et de leurs rêves qui sont à la hauteur de ce qu’ils sont. Certains en ont de très grands et d’autres de tout-petits… Le texte de la pièce était très drôle et, pour l’avoir effectivem­ent beaucoup jouée, je savais qu’elle touchait beaucoup les gens. Mais c’est une adaptation très libre.

En quoi le film est-il différent ?

La pièce était très sur le verbe, le texte, les pensées, les apartés. Le point de départ pour le film, c’était les rêves que fait le personnage et ce qu’on pouvait en montrer pour quitter le huis clos de la salle à manger. On s’est fait plaisir : Venise, Ibiza… Même si on a tourné Ibiza en Corse. Ce qui me plaisait, c’est que les rêves finissent par se confondre avec la réalité du film. Peu à peu, le spectateur ne sait plus si on est dans la réalité ou dans le rêve.

Sont-ce des rêves ou des fantasmes ?

Pour moi, ce sont des rêves. Le fantasme, c’est déjà un bout de chemin vers le passage à l’acte. Il a une belle vie et une belle femme, intelligen­te, qui le connaît bien et avec laquelle il est heureux. Il n’a pas l’intention de casser ça. D’ailleurs, il a tellement d’imaginatio­n qu’il voit ce qui pourrait se passer après. Et ça le calme ! Un homme qui rêve sa vie est dans une recherche poétique, pas dans l’accompliss­ement.

Ce Daniel-là vous ressemble-t-il ?

Un peu, forcément. Mais tous les hommes peuvent s’identifier à lui, je crois. Je pense être plus courageux que lui. Et depuis que j’ai joué Jean-Claude Roman dans L’Adversaire, je ne mens plus jamais à mon entourage !

Un acteur, c’est un rêveur, non ?

Oui, forcément. Ce sont des vies rêvées. Et quand ça se passe bien, on a une vie de rêve ! Ce film, c’était une bulle de bonheur. Bien que je joue et réalise en même temps, j’ai trouvé une légèreté en le faisant.

Quel est le rêve que vous n’avez pas encore réalisé ?

Il y en a beaucoup. Je rêve comme je respire et j’arrêterai en même temps, je pense. Mais pour citer Diderot : « Encore trente ou quarante ans de cette vie imparfaite et ce sera parfait ».

Finirez-vous un jour votre trilogie Pagnol ?

J’en ai bien l’intention. Par honnêteté pour mon travail, je dois le faire. Mais peut-être pas avec Pathé. Sortir les deux films en même temps était une erreur. Mais on a le temps puisque César, ça se passe vingt ans après Marius et Fanny. Je ne suis pas encore assez vieux ! (rires) L’avantage d’être acteur, c’est qu’il y a des rôles pour tous les âges. On peut emmerder les gens très longtemps ! (rires)

FOXTROT

De Samuel Maoz (Israël). Avec Lior Ashkenazi, Sarah Adler, Yonaton Shiray. Durée :  h . Genre : drame. Notre avis : ★★★★ Michael (Lior Ashkenazi) et Dafna (Sarah Adler) mariés depuis  ans, mènent une vie heureuse à Tel Aviv. Leur fils aîné Yonatan (Yonaton Shiray) effectue son service militaire sur un poste-frontière, en plein désert. Un matin, des soldats sonnent à la porte du foyer familial pour leur annoncer sa mort en mission. Le choc va réveiller chez Michael une blessure profonde, enfouie depuis toujours… Lion d’argent à Venise, le second longmétrag­e de Samuel Maoz (Lion d’or  avec Lebanon) confirme le formidable talent de ce réalisateu­r israélien curieuseme­nt ignoré de Cannes. Dans Foxtrot, il fait preuve d’une maîtrise de la mise en scène digne des plus grands. Le film, qui raconte une double bavure militaire, a fait polémique en Israël. C’est une tragédie puissante, en trois actes, portée par des acteurs excellemme­nt dirigés. De loin la meilleure sortie de la semaine.

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