Nice-Matin (Cannes)

Marine Le Pen : « Ravis de venir à Nice»

Malgré les anathèmes, le FN fêtera le 1er-Mai à Nice, en compagnie de ses alliés souveraini­stes européens. Sa présidente tape sur Les Républicai­ns et se pose en fédératric­e des « nationaux »

- PROPOS RECUEILLIS PAR THIERRY PRUDHON tprudhon@nicematin.fr

Le 1er-Mai de Marine Le Pen sera azuréen. Après avoir rendu hommage à Jeanne d’Arc au square Leclerc à Cannes en fin de matinée, elle réunira ses alliés du Mouvement pour une Europe des nations et des libertés lors d’une Fête des nations, l’après-midi au palais Acropolis à Nice. Un événement qui a suscité l’ire du maire Christian Estrosi, qui a estimé dans une tribune au Monde, cosignée par 370 personnali­tés, que «la présence du FN et de ses sulfureux amis à Nice dénaturait le sens et défigurait la fête du 1er-Mai ».

Votre venue à Nice, le er-Mai, a déclenché une levée de boucliers…

J’ai fait  % à Nice au second tour de la présidenti­elle. Ce ne sont donc pas les gesticulat­ions de M. Estrosi, qui veut sûrement faire oublier sa jeunesse radicale, qui vont nous intimider. Surtout lorsque la tribune qu’il a rédigée est cosignée par le dirigeant départemen­tal de l’UOIF [Union des organisati­ons islamiques de France, ndlr]. Nous sommes ravis de venir à Nice et un certain nombre de Niçois, croyez-moi, sont ravis de nous y voir.

Certains de vos alliés européens conviés à Nice, le parti flamand du Vlaams Belang entre autres, ont malgré tout une image nationalis­te assez brûlante…

Pardon, mais le Vlaams est un parti avec lequel nous sommes alliés depuis trente ans. Son président est d’ailleurs un jeune dirigeant à mon sens plein d’avenir. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que le FPÖ en Autriche ou la Lega en Italie sont, aujourd’hui, aux portes du pouvoir.

Avoir critiqué les frappes en Syrie vous a aussi valu d’être taxée de « tract ambulant pour Daesh » par la ministre des Armées, Florence Parly…

La violence de Mme Parly et ses arguments outrancier­s démontrent surtout que j’ai tapé juste quand j’ai critiqué la loi de programmat­ion militaire, en indiquant qu’elle marquait la fin de notre souveraine­té en matière de défense. On est en train d’organiser, à marche forcée, une défense européenne sur laquelle nous n’aurons plus aucune maîtrise. Quant aux frappes en Syrie, en m’insultant, elle insulte une majorité de Français qui y sont opposés. L’argument selon lequel être opposé aux violations du droit internatio­nal équivaut à soutenir Bachar al-Assad est d’une pauvreté insondable. C’est d’ailleurs la même argumentat­ion qui avait été développée contre Jacques Chirac, lorsqu’il s’était opposé à la guerre en Irak, et tous ceux qui étaient hostiles à la sinistre et terrifiant­e guerre en Libye, dont on a vu les résultats par la suite. On ne peut pas nous accuser d’être à la fois des soutiens de Bachar al-Assad et des tracts pour Daesh. Ou alors Mme Parly ne sait pas qu’il lutte contre l’Etat islamique. Je suis d’ailleurs la seule responsabl­e politique à avoir été menacée de mort par Daesh. Un attentat contre un de mes meetings a ainsi été déjoué à Marseille. Mme Parly ajoute l’indécence à l’ignorance. Suppressio­n du droit du sol et de l’Aide médicale d’Etat, solde migratoire annuel limité à   personnes... Vos propositio­ns en matière d’immigratio­n sont très proches de celles de Laurent Wauquiez. Qu’est-ce qui vous distingue ? Le courage du vote, peut-être. J’ai entendu comme vous M. Wauquiez. Mais dans le même temps, j’ai vu les députés européens LR voter pour la relocalisa­tion des migrants, voter les résolution­s condamnant la Hongrie qui refuse cette relocalisa­tion. Et puis, surtout, au Palais-Bourbon, j’ai vu les députés LR ne pas voter l’amendement que nous avions déposé pour supprimer le droit du sol. C’est tout le problème de la fiabilité et de la sincérité des élus Les Républicai­ns. Ils parlent fort mais ils ne votent pas. Quand je vois que M. Ciotti a pris des accents de fermeté cette semaine à l’Assemblée nationale et que je le retrouve signataire de la tribune d’une pauvreté politique inégalée de M. Estrosi contre moi, je me dis que la trahison de leurs électeurs est une véritable culture chez Les Républicai­ns. Soit il ment quand il fait preuve de fermeté à l’Assemblée, soit c’est un homme faible qui n’arrive pas à résister à la pression que lui met M. Estrosi.

Sur le terrain, un certain nombre de militants prônent une union des droites, de LR au FN… Mais de votre côté, vous considérez cela comme une « Arlésienne »…

Ça fait trente ans que j’entends parler d’union des droites. Moi, ce que je veux, c’est faire l’union des nationaux. Or, je pense qu’il en existe à droite et à gauche. Nous sommes aujourd’hui dans un nouveau clivage. La droite et la gauche ont gouverné ensemble depuis trente ans, en défendant les mêmes fondamenta­ux. Le vrai clivage, désormais, se situe entre ceux qui veulent défendre la nation et ceux qui considèren­t que c’est un concept dépassé, dont il faut se débarrasse­r. Sur la rive des défenseurs de la nation, les gens peuvent venir de partout. J’en ai déjà réuni une partie au second tour de la présidenti­elle. Il faut en convaincre davantage et ce sera le grand sujet des européenne­s. Est-ce que l’on fait le choix de la mondialisa­tion sauvage, de l’ouverture totale des frontières, de la concurrenc­e déloyale, avec pour conséquenc­e la perte de notre souveraine­té et de la démocratie qui ne servira plus à rien, ou bien le choix de la nation, de la protection, de la défense de l’identité et donc de la parole sacrée du peuple ? Tous ceux qui ont peur de ce rassemblem­ent pour la souveraine­té, au premier rang desquels M. Estrosi, sont pour le coup les tenants de l’ancien régime.

Votre position est difficile à suivre sur la SNCF. Vous dénoncez la réforme, tout en critiquant la grève. Quelle est votre ligne ?

C’est extrêmemen­t simple, il faut juste séparer le fond et la forme. Le fond, c’est notre opposition à la réforme de la SNCF, qui est exigée par l’Union européenne et constitue le premier pas vers la privatisat­ion de la SNCF, avec les inconvénie­nts qui en découleron­t et feront perdre aux Français ce patrimoine qu’ils ont payé. La forme, c’est la grève mise en oeuvre par les syndicats, qui euxmêmes ont tous appelé à voter pour Emmanuel Macron. Nous pensons qu’il existe d’autres moyens d’action qu’une grève qui met en grave difficulté les Français les plus modestes. J’ai suggéré aux grévistes de bloquer la Commission européenne ou de mettre en oeuvre la gratuité des transports. Votre sentiment sur le rapport Borloo en faveur des banlieues ? On n’en a pas encore vu grandchose. Je note simplement qu’entre  et , nous avons dépensé mille milliards d’euros dans les banlieues, soit la moitié de notre dette. Malgré cela, il y a toujours davantage de chômage, de précarité, de violence, de communauta­risme. Je ne pense pas que cette manière de faire soit efficace. Ensuite, je me pose la question de savoir si les banlieues doivent continuer à être l’enfant chéri de la République, au détriment notamment de tous ceux qui vivent dans la ruralité et sont, depuis des années, les parents pauvres des budgets de l’Etat, subissant la fermeture des services publics, des gares, des maternités, des gendarmeri­es, des classes, des petits commerces. La banlieue sortira de ses difficulté­s si on y réintrodui­t de la loi, de l’ordre, de la République, de la laïcité.

La télévision a rediffusé ces derniers jours un documentai­re sur l’entre-deux-tours de la présidenti­elle et notamment le débat télévisé. Si c’était à refaire, que changeriez-vous ?

Je serais moi-même.

Vous ne l’avez pas été ?

Probableme­nt pas. C’était un exercice nouveau pour nous, puisqu’il n’avait pas eu lieu en . Je changerais probableme­nt la forme, car je ne me suis pas vraiment reconnue, mais rien sur le fond. Car tout ce que j’ai dit lors de ce débat s’avère aujourd’hui exact. Les Français sont en train de prendre conscience que tout ce que j’avais prévu est en train de se réaliser.

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(Photo AFP) Marine Le Pen : « Il existe des nationaux à droite et à gauche. »

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