Nice-Matin (Cannes)

Les émotions permettent à l’enfant de se structurer

Psycho Les émotions sont indispensa­bles au bébé pour se construire, qu’elles soient positives ou d’un premier abord négatives. Le Dr Alain de Broca évoque ainsi la place de l’angoisse

- PROPOS RECUEILLIS PAR AXELLE TRUQUET atruquet@nicematin.fr

Dès sa naissance, l’enfant s’ouvre au monde et communique avec son entourage. Premiers regards échangés avec sa mère, sensation de sa peau contre la sienne (lorsque c’est possible), instants de complicité avec le père... vont le réconforte­r, l’apaiser. Auteur de Mon enfant s’épanouit (Editions Horay), Alain de Broca, neuropédia­tre au CHU d’Amiens, analyse ces relations et leur impact sur le développem­ent de l’enfant. Rencontre.

Quand le lien commence-t-il à se tisser entre l’enfant et son entourage ?

Le lien entre la mère et l’enfant existe déjà in utero ;ilyaun véritable échange entre eux. Dans les années -, les pédopsychi­atres ont fait avancer la compréhens­ion de l’enfant. Ils ont montré qu’il est dans la relation à autrui dès sa naissance. Pour preuve : un bébé qui naît, à la seconde près, ouvre les yeux et vous cherche du regard.

Inutile de savoir parler pour communique­r !

Effectivem­ent le non-verbal est essentiel, tout ne passe pas par les mots. Avec un nouveau-né, les regards, les sourires, les contacts physiques comme le peau à peau, les caresses sont des choses essentiell­es.

Les enfants, à partir de - ans, posent des questions à n’en plus finir. Vous conseillez de poser des limites. Lesquelles ?

J’ai établi une sorte de règle, celle des «  pourquoi ». L’idée est que l’on peut répondre à une question une fois, deux fois et à la troisième lui dire qu’on en reparlera plus tard. Sinon les questionne­ments sont infinis : l’enfant veut toujours aller plus loin. Il remonte le raisonneme­nt… Mais à ce rythme on se retrouve à expliquer comment s’est créé le monde ! De ce fait, il faut canaliser les choses sinon cela finit par être fatiguant, on s’emmêle les pinceaux, on se fâche et finalement, l’enfant n’aura pas de réponse, ce qui peut susciter de l’inquiétude. Parfois, mieux vaut répondre simplement qu’on ne sait pas.

Vous dites que l’angoisse aide l’enfant à grandir. De quelle façon ?

L’angoisse protège. Si vous n’avez pas d’angoisse avant de traverser la rue, vous prendrez des risques. Si vous n’avez pas d’angoisse avant un examen, vous n’allez peut-être pas mettre toutes les chances de votre côté pour le réussir. L’angoisse est également indispensa­ble en ce qu’elle permet d’être attentif à l’autre dans la relation. Le manque d’angoisse (l’incapacité à se remettre en question) est aussi grave qu’en avoir trop. L’essentiel est de trouver le juste milieu. L’angoisse permet à l’enfant de savoir qu’il est vulnérable mais aussi qu’il n’est pas seul, que des personnes référentes l’entourent

et le protègent. Les premières angoisses du nouveau-né naissent de l’attente du biberon, d’être réchauffé, etc., et elles sont calmées par la capacité des parents à le rassurer.

Vous insistez sur le fait que, pour s’épanouir, l’enfant a besoin de connaître les codes sociaux.

L’apprentiss­age de la politesse est fondamenta­l; il faut être poli pour pouvoir entrer dans une relation de réciprocit­é. L’enfant doit comprendre qu’il n’est pas tout puissant et qu’il lui faut respecter les autres. Pour l’anecdote, à Madagascar la formule pour dire bonjour est très longue. C’est presque une manière de dire : « Est-ce qu’on peut être ensemble dans la relation ? ». On s’assure ainsi d’avoir l’attention de l’autre.

Trop dire à son enfant «je t’aime» lui est-il préjudicia­ble ?

Non, il est toujours positif de dire à son enfant qu’on l’aime. Mais, il faut aussi lui expliquer que l’amour conduit à fixer des limites. Il doit comprendre qu’il y a des règles à respecter et qu’il y a des choses qu’il doit faire par lui-même.

Lui fixer un cadre en quelque sorte...

Oui, la notion de cadre est fondamenta­le, y compris dans le sens physique. Le bébé, lorsqu’il prend ses pieds et les met dans sa bouche, explore la finitude de son propre corps.

Comment gérer la période de l’OEdipe?

C’est un enjeu majeur. C’est un temps extraordin­aire pour montrer à son enfant qu’on peut aimer. Il doit comprendre que l’amour que lui donne son parent est aussi important, mais que ce n’est pas le même que celui qui existe entre les conjoints. L’idée c’est : « Je t’aime autant, mais différemme­nt . » Ainsi, ne faut-il jamais faire dormir l’enfant dans le lit parental. Chacun doit rester à sa place. L’amour filial n’est pas le même et s’exprime différemme­nt.

Autre étape dans le développem­ent de l’enfant : le moment où il saisit des crayons et dessine. Qu’est-ce que ça représente ?

Du point de vue cognitif, cela montre que l’enfant est capable de faire le lien entre la D et la D. Du point de vue psychologi­que, faire un dessin c’est aussi faire plaisir. Regardez la joie qu’ont les enfants à l’offrir. Le dessin c’est aussi un mode de communicat­ion, d’expression. Le jeune enfant lorsqu’il se représente fait ce qu’on appelle un bonhomme têtard, c’est-à-dire un rond avec des cheveux, des bras et des jambes. Il montre ainsi son unité. Le soi se dit à partir d’un premier dessin. Ensuite, l’image se structure, les détails apparaisse­nt… Tout un symbole.

L’angoisse permet d’être attentif à l’autre Dr Alain De Broca Neuropédia­tre

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(Photo d’illustrati­on Patrice Lapoirie) Grandir, c’est découvrir l’échange avec ses parents, sa famille puis le monde extérieur ; et apprendre à gérer la frustratio­n et l’angoisse.
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 ??  ?? «Mon enfant s’épanouit». Ed. Horay.  p. , €.
«Mon enfant s’épanouit». Ed. Horay.  p. , €.

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