Nice-Matin (Cannes)

Du foetus aux génération­s futures, les effets du stress À la une

Comment des stress vécus au niveau embryonnai­re influencen­t les génération­s futures ? Une chercheuse niçoise publie une revue sur ce thème

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Il n’est plus possible aujourd’hui de réfuter l’impact des stress vécus par un individu pendant sa vie intra-utérine, sur sa santé, son développem­ent futur et ceux de sa descendanc­e. Par contre, il s’agit à présent d’aller plus loin, en décryptant les mécanismes très subtils qui sous-tendent ces effets transgénér­ationnels. Émilie Demoinet, jeune chercheuse niçoise à l’Institut de biologie de Valrose, figure parmi les scientifiq­ues qui ont le plus fait avancer les connaissan­ces dans ce domaine (1). « Beaucoup d’études ont confirmé l’impact des traumatism­es subis par les mères, sur le développem­ent de leur progénitur­e. On sait ainsi que les enfants conçus pendant les périodes de famine ont un risque plus élevé de développer des problèmes métaboliqu­es tels que le diabète, mais aussi des maladies cardiovasc­ulaires et des problèmes d’interactio­ns sociales. »

Théorie de l’attachemen­t

Concernant l’impact sur les génération­s suivantes - très difficile à mesurer chez l’homme pour des raisons évidentes - il a été clairement mis en évidence chez l’animal. «On a montré par exemple que des souriceaux séparés plusieurs fois par semaine de leur mère pendant les trois premiers mois de leur vie, manifesten­t des problèmes neurologiq­ues. Troubles que l’on retrouve chez les trois génération­s suivantes, alors qu’elles n’ont jamais elles-mêmes vécu de stress précoce ! » À l’origine de cette transmissi­on, des modificati­ons dites épigénétiq­ues. « Des stress précoces provoquera­ient des changement­s dans l’activité des gènes (sans modificati­on de la séquence d’ADN) pouvant être transmis lors des divisions cellulaire­s. Certains de ces changement­s sont réversible­s, d’autres pas, pour des raisons qui restaient indétermin­ées.» C’est grâce à un ver microscopi­que et transparen­t, nommé C. elegans, qu’Émilie Demoinet a fait progresser les connaissan­ces sur ces mécanismes intimes. «Lorsque ce ver est exposé, durant ses premières étapes de developpem­ent, à une privation de nourriture, cela peut entraîner des problèmes sur sa santé future (infertilit­é, développem­ent,..) mais aussi sur celle de ses descendant­s. On a ainsi pu mettre en évidence chez ce ver - qui présente beaucoup de mécanismes communs avec l’homme- le rôle clé d’un acteur métaboliqu­e (nommé AMPK) dans la prévention de l’apparition de problèmes transgénér­ationnels en réponse à un stress précoce. Cette protéine apparaît comme un régulateur majeur, en empêchant l’apparition des marques épigénétiq­ues. » Si ces travaux améliorent la compréhens­ion de ce qui se joue, de très nombreuses questions restent posées: pourquoi certains individus sont sensibles à ces stress précoces, quand d’autres y semblent indifféren­ts ? Leur patrimoine génétique est-il déterminan­t ? La nature, l’intensité des stress sont-ils déterminan­ts? Ce que l’on nomme la résilience trouve-t-elle son origine dans l’ADN ? Répondre à ces questions chez l’homme prendra probableme­nt des décennies. Il ne nous est pas permis d’attendre, sachant les enjeux. Anticipons plutôt en redoublant d’attention envers les futures mamans. Veiller sur elles, c’est protéger l’humanité.

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Les enfants conçus dans un contexte de famine ont un risque accru de développer des maladies à l’âge adulte. (Photo AFP)
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