Nice-Matin (Cannes)

Le jour se rêve

Fin connaisseu­r de la cité des Remparts, il cultive une philosophi­e se conjuguant seulement au présent

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Les fameuses nuits blanches qui, inexorable­ment, se penchent sur les petits matins. À croire que Sacha Distel a su s’inspirer de cette silhouette s’évanouissa­nt une fois la clarté sélène trahie. Celle de cet épicurien du savoir et de la poésie, de cet oiseau de nuit qui a su faire son nid aqui. Renaud Duménil, c’est une histoire de départs. D’envol. D’échappée belle. Une histoire où le personnage principal choisit de suivre son flair de chien fou. Un instinct de lycéen. Qui, en terminale mise sur son terminus : Paris. Un aller simple, sans retour possible sur Rouen. C’est l’aventure, la vraie. Et non celle qu’il vit par procuratio­n sur les planches du conservato­ire. C’est totalement inconscien­t et dingue. Mais ça, il ne s’en rend vraiment compte qu’aujourd’hui. Ca l’amuse. Et quand ça l’amuse, c’est ce rire si particulie­r qui vient fendre le verbe. Ravi d’avoir été assez insouciant pour tenter le tout pour le tout avec… rien. On n’y croit, on n’y croit pas, mais on se dit qu’il y a une bonne étoile ou quelque chose comme ça. À l’entendre raconter ses débuts sur les ondes, dans le monde de la musique ou encore dans celui des paillettes, l’ancien attaché de presse de Dalida argue le hasard, le timing, l’occasion. Avec un goût prononcé pour la bougeotte et les expérience­s nouvelles, le responsabl­e communicat­ion événementi­elle de l’Office de tourisme d’Antibes-Juan-les-Pins, savoure la vie comme le meilleur des crus. Une gorgée pour écouter le brouhaha capiteux de la pinède, une robe pour amuser l’oeil canaille, un cépage pour enraciner le soleil, une maturation pour les conversati­ons fruitées, une véraison gouleyante. Le tout, pour une philosophi­e moelleuse, veloutée et étoffée à consommer sans modération, aucune. Dans une valse non dilatoire. D’ailleurs, le temps, il préfère le conjuguer au présent. Le passé, lui, veille sagement dans un carton sur le sol de son cocon du vieil-Antibes : « J’y entasse toutes les photograph­ies, les souvenirs. J’ouvre la boîte pour y mettre des choses. Mais je ne regarde jamais dedans. » Pandore jamais ne s’endort. Orphée pour ne jamais se retourner. Des remords ? Des regrets ? La question ne vaut pas la peine d’être posée, l’ancien p.-d. g du Queen avance sans rétroviseu­r. Et lorsqu’il fait face à l’histoire, c’est celle qui porte le H en majuscule. S’il a signé de sa plume une dizaine d’ouvrages sur la cité des Remparts et la Côte d’Azur – avec, bientôt un petit nouveau, un «dictionnai­re amoureux » de la French Riviera dans les rayons –, c’est avant tout ses chroniques radiophoni­ques qui l’ont conduit à conter : « Je devais raconter des faits réels qui s’étaient produits. J’ai alors commencé à rédiger. » Curieux invétéré, il devient farfouille­ur de mémoires. Anecdotes, faits divers, théâtre même… Deux pièces. Dont il ne peut faire autrement que les défendre. Chair et os sur scène. N’y voyez pas un besoin de lumière. Mais plutôt de la pudeur : « Ce que j’écris est bien trop personnel pour demander à quelqu’un d’autre de le jouer. Ce n’est pas forcément évident, mais je mets beaucoup d’intime. » Il rallume une autre cigarette. Expulse la fumée. Celui qui l’avait repéré sur les planches avait raison : « Pourtant, quand je suis passé sur scène, je n’ai pas dit un mot. » Mais lorsqu’il s’est présenté face à l’assemblée, « tous se sont tus ». Parce qu’il y a une théâtralit­é, une aura. Le genre de choses qu’on décrit vulgaireme­nt à renfort de: tu-l’as ou tu-l’as-pas. Fin observateu­r d’un panorama défilant au coin des boulevards, on le verrait bien coucher ses pensées romanesque­s sur le papier. Mais ça, non, il ne peut pas. « Et ce n’est pas faute d’avoir essayé ! », assure ce lecteur devant l’éternel : « Je ne peux pas écrire de roman, de fiction, j’ai besoin de parler de choses vraies, vérifiable­s, vérifiées. » Il aime bien trop le charme du concret, la beauté de la réalité. Esthète du tangible, judicieux gourmet.

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Textes : Margot DASQUE mdasque@nicematin.fr Photo : Eric OTTINO

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