Edmund Purdom, roi déchu d’Hollywood
Dans Hollywood Garage, la Cannoise Lilan Purdom raconte l’incroyable histoire de son père, acteur à Hollywood dans les années 1950, dont le pouvoir de séduction et les moeurs de l’époque ont brisé la carrière. Séance de dédicace, le 15 mai à 18 h à la librairie Autour d’un livre à Cannes et le17mai à 17 h à la MJC Picaud
Il aurait pu être l’une de ces vedettes en smoking, acclamée par la foule à l’heure de fouler le tapis rouge. Il aurait pu figurer parmi ces noms mythiques, dont l’étoile brille éternellement sur la promenade dorée du célèbre Walk of Fame à Los Angeles. Il aurait pu rêver d’un destin fortuné à la Sean Connery, au service de sa Royale Majesté. Il aurait pu tenir le haut de l’affiche, et se hisser au top du box-office. De Lana Turner à Elisabeth Taylor, il aurait même pu continuer d’embrasser les plus belles actrices du monde sur grand écran. Il aurait pu connaître la gloire, sans l’ombre du désespoir. Au temps de Beverly Hills... Il aurait pu… Il aurait dû…
Un coup de foudre fatal !
Mais le scandale est arrivé, et sa légende s’est précocement ternie. Edmund Purdom, ou la trajectoire brisée d’une star hollywoodienne en devenir. C’est cette incroyable histoire que sa fille, la Cannoise Lilan Purdom, a choisi de raconter dans un livre, Hollywood Garage. Un récit qui rejoint forcément le fil de sa vie, car cette ancienne reporter à TF1 n’aurait pas grandi à Cannes, sans le déclin américain de son (presque) illustre père. « Ce livre, je l’ai écrit pour mes enfants, et pour moi aussi. C’est une sorte de psychothérapie, car j’ai vécu toute ma vie dans l’absence de mes parents, en passant mon temps à les attendre. C’est encore plus perfide que la mort, souffle-t-elle. Mon père avait tout pour lui, mais il a été victime des moeurs de son époque… ». Coup de foudre, qui sera fatal à la valeur montante du cinéma US. Un dîner de gala, les yeux dans les (beaux) yeux de Linda Christian, ex-femme de Tyrone Power, et le jeune premier quitte soudain femme et enfants (son épouse était enceinte et Lilan était âgée de 18 mois), abandonne sa villa de Beverly Hills, sa Rolls, et bientôt son statut.
« La MGM a viré mon père »
« À l’époque, les contrats passés avec les gros studios incluaient une clause de moralité. Aujourd’hui ça passerait presqu’inaperçu, mais cette relation extraconjugale a tellement choqué, que la MGM a viré mon père ». La fin brutale d’une ascension, aux allures de success story. Car jusque-là, la vie semblait rendre son sourire charmeur au bel Edmund. Jeune théâtreux anglais au sein de la troupe de Laurence Olivier, il est remarqué par la Warner lors de la tournée d’Antoine et Cléopâtre (Vivian Leigh) à New York. Le voilà à l’essai pour My Cousin Rachel, mais c’est finalement Richard Burton qui décroche le rôle. Qu’importe. En 1954, le sort tourne à nouveau en sa faveur. Mario Lanza, qui tenait le rôle principal d’une Opérette, doit déclarer forfait pour raison de santé. Au pied levé, Edmund se glisse avec talent et charisme dans la tenue du Prince étudiant (The Student Prince), en reprenant les chansons de Lanza en play-back. Mieux qu’une doublure ; l’élégant « remplaçant » profite à nouveau de la défection de Marlon Brando pour devenir Le prince égyptien, dans une superproduction de Darryl Zanuck, qui fait encore les beaux jours des rediff’ en noir et blanc. Purdom, héros de Péplum, semble prêt à gravir l’Olympe du 7è art. Mais son charme ravageur est à la fois sa force, et son talon d’Achille.
Quatre mariages et un enterrement…
Après la (love) affaire, le « bad boy » d’Hollywood doit s’exiler à Cinecitta, comme d’autres anglo-saxons avant lui. Mais à défaut de conquérir l’empire romain, ce Jules va progressivement devenir star des films de genre, séries Z et nanars (voir page suivante). Côté privé, ce n’est pas tellement plus glorieux. Son mariage avec Linda Christian, après huit ans de liaison dissolue, ne durera qu’un an. « Mon père a connu quatre mariages, mais en réalité je crois qu’il n’aimait que lui. Après leur séparation, ma mère a complètement pété les plombs, et lorsque j’ai eu 6 ans, elle nous a confiées, ma soeur et moi, à notre grand-mère qui habitait Cannes ». Homme à femmes, Edmund consent néanmoins à jouer aussi son rôle de père pour ses fillettes, durant les vacances scolaires. «Il nous emmenait sur les plateaux et dans ses soirées mondaines, puis se levait à midi. C’était un séducteur absolu, mais il s’occupait de nous », souligne Lilan. Avec des regrets intimes ? « Je l’ai interviewé quelques années avant sa mort. À 78 ans, il se souvenait parfaitement de tous ses films. Mais quand j’ai abordé sa vie privée, il s’est soudain arrêté de parler, et après un silence, il m’a juste dit : You know, I don’t remember… ». Mémoire sélective, d’un vieil acteur tombé lui aussi dans l’oubli...