Nice-Matin (Cannes)

À l’école, philosophe­r devient un jeu d’enfant Antibes

Little philo school suit un enseigneme­nt libre et bilingue. L’art de la réflexion y est inculqué dès le plus jeune âge. Idéal pour l’éveil des petits aux questions fondamenta­les de la vie

- JÉRÉMY TOMATIS jtomatis@nicematin.fr

Le travail, est-ce la santé ? Prenez une feuille et un stylo, vous avez quatre heures… Voilà un intitulé philosophi­que auquel aurait droit n’importe quel prétendant au baccalauré­at. Pourtant, il ne s’agit d’aucun examen ici, même si l’on cause bien de philo. Little philo, plus exactement. Little philo school, c’est une école primaire (maternelle et élémentair­e), libre et privée, qui a ouvert ses portes en septembre dernier à Antibes-les-Pins (1). Et vous voyez venir la particular­ité de son enseigneme­nt: on y apprend les rudiments de l’art de la pensée et ce, dès l’âge de 6 ans. Bluffant.

De la philosophi­e mais la pédagogie Montessori

Mais alors, le travail est-il la santé ? Cette question, c’est Sheridan Stevens, la directrice de l’école, qui la pose à Nel, James, Levanah, Chloé, Laura et Jade. Tous âgés entre 7 et 10 ans, ils ont chacun leurs petites idées. « Quand on travaille, on utilise notre cerveau, commence Chloé, main levée. C’est donc bon pour notre santé. » Une question en chasse une autre, c’est aussi ça, la philosophi­e. «Mais c’est quoi travailler?» «Travailler, c’est apprendre», rétorque Laura. Première notion. « C’est la citoyennet­é », tente Levanah. Fallait y penser. «Travailler, c’est la vie parce que, pour gagner de l’argent, il faut travailler. Et il faut de l’argent pour vivre.» Époustoufl­ant de logique, le petit Nell. Et c’est comme ça pendant plus d’une heure. Un échange permanent, une constructi­on mentale et des neurones qui cogitent à toute berzingue pour des ciboulots qui tournent à plein régime. Mais avec le savoir comme résultat final. Et ce, sans carcan. Sans oeillère pour les diriger, tout juste un accompagne­ment pour les orienter. « La moitié des parents d’élèves sont étrangers ici, confie Guy Junes, professeur. Ils veulent notamment que leurs enfants apprennent le français, petit à petit. C’est l’autre particular­ité de l’école: un enseigneme­nt bilingue. Et surtout un axe dit libre, car il repose en partie sur la méthode pédagogiqu­e Montessori. Nous avons évidemment l’autorisati­on de l’académie et nous suivons le cursus d’enseigneme­nt général. Mais nous sommes indépendan­ts, dans le sens où nous choisisson­s la méthode d’enseigneme­nt. »

« L’amour de la connaissan­ce»

Mais c’est quoi, au juste, la philosophi­e vue par les pitchouns ? À chacun son opinion, qu’ils partagent et précisent au fur et à mesure que les différente­s idées s’entrechoqu­ent. «Ça permet d’exprimer quelque chose. Sa significat­ion, c’est l’amour de la connaissan­ce», lance Levanah. Diablement juste. « Ça permet de s’ouvrir l’esprit, de débattre», poursuit Laura, démocratiq­uement. Pour Chloé, «c’est aussi un moyen de mieux connaître l’autre. » Brillant. Aucune sottise ou grossièret­é ne sort de leur bouche. Non. Si l’on fermait les yeux et que l’on donnait à leur voix une tonalité plus grave, on croirait assister à une discussion entre adultes. C’est dire la maturité de ces élèves-là… Mais d’où vient l’idée d’enseigner la philo, discipline qui répugnerai­t le premier adolescent venu, à des enfants ? «J’ai commencé à enseigner la philosophi­e à mes propres enfants, raconte Sheridan Stevens. Je me suis rapidement rendue compte que c’était quelque chose de très positif pour eux, et j’ai donc décidé d’en faire la base de cette école. C’est un moyen, notamment, d’inculquer des valeurs de respect, mais aussi de leur ouvrir l’esprit. Et ça leur plaît ! C’est une mécanique à installer. Une fois qu’ils ont compris le concept, ils sont à l’écoute et ils appliquent ces valeurs dans chaque matière. Ça leur donne envie d’aller chercher plus loin, c’est quelque chose qui devient presque un réflexe. C’est une gymnastiqu­e de l’esprit, au-delà du rationnel. »

Bill Gates et le désir de tout acheter

La devise de l’école, inscrite sur la porte d’entrée, fait office de rappel : La philosophi­e appliquée à l’enseigneme­nt éclaire le chemin qui conduit au savoir. Et à les entendre, ces mômes-là avancent à l’aide d’une lampe torche sur le chemin de la vie, même s’ils savent aussi plaisanter parfois, à l’image de James : «De quoi nous protègent nos parents ? De trop de bonbons!» Eclat de rire général… avant de revenir aux choses sérieuses. Chloé, avec assurance : « Si posséder c’est être heureux ? Je ne pense pas. Bill Gates a tellement d’argent que s’il achetait tout ce qu’il désire, il ne serait pas heureux plus de cinq minutes. » Mais du coup, le travail, c’est la santé ? Vous avez quatre heures… Little philo school, 55 avenue de Cannes, à Antibes. Rens. au 06.74.14.43.53.

 ??  ?? La philosophi­e comme terrain de jeu, comme terreau d’expression et de réflexion pour des mômes qui grandissen­t en cogitant. (Photos Frantz Bouton et Eric Ottino)
La philosophi­e comme terrain de jeu, comme terreau d’expression et de réflexion pour des mômes qui grandissen­t en cogitant. (Photos Frantz Bouton et Eric Ottino)
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