Les bonheurs d’Adjani
Le monde du cinéma est toujours à elle
Ce n’est pas la première fois qu’Isabelle Adjani foule le tapis rouge. Mais sa silhouette de sylphide, yeux azur, port de reine sans les tourments du Palais, a ébloui le monde festivalier. Dès la cérémonie d’ouverture. Et pourtant. Même pour une star de son statut, la fameuse montée des marches ne va pas forcément de soi. «Ah, c’est un rituel tellement magnifié et sacralisé. On monte vers l’autel pour le sacrifice ou la consécration. Ces marches, c’est une Olympe fictive qui va décider du sort de chacun, vulnérable ou tout puissant, souffle la comédienne dans un élan de tragédie grecque. Mais cette année, je me suis sentie très sereine, et j’ai reçu beaucoup d’ondes positives. » À tel point que l’héroïne ultra-sexy de L’Été meurtrier, boycottée par les chasseurs d’images en 1983 parce qu’elle avait « séché » un photocall, leur a cette fois adressé des baisers. Comme une réconciliation
définitive à Cannes, entre présent et passé. «En réalité, il n’y a jamais eu de rupture avec les photographes, ils savent que je suis d’une timidité sincère, et que je ne suis pas toujours à l’aise… » Oui, mais Isabelle Adjani capte toujours si bien la lumière des flashs. Quitte à s’y brûler les ailes tel un papillon de nuit. De quoi augurer encore de belles images de papier glacé, à l’heure où notre actrice so frenchy est devenue égérie monde pour L’oréal. « J’apprécie leur vision très contemporaine de la femme d’aujourd’hui. Si c’était uniquement une image cosmétique, j’aurais hésité, mais là, il y a du sens, souligne-telle. Avec Julianne Moore Helen Mirren et Jane Fonda, j’ai participé à un film L’oréal à Los Angeles, où le message n’a rien de narcissique. Cela relève plutôt de la contagion solidaire : “On est toutes différentes, mais on est les mêmes. Nous voilà réunies pour nous protéger de tout ce
qui a pu jouer contre les femmes” ». Le scandale de l’affaire Weinstein est aussi passé par là. Avec ses révélations chocs, qui n’ont rien de chic. Symboliques d’une ère triste, pour les rapports hommes/femmes. Et nulle actrice n’était à l’abri de
ces cicatrices. « Moi, j’ai eu la chance de ne pas avoir vécu de choses frontales, mais des sous-entendus, des allusions dérangeantes, des gestes déplacés…, confesse Isabelle. Et je ne revendique pas du tout le droit d’être importunée, cette tribune-là m’a choquée. Et puis que je sache, la courtoisie ne passe pas toujours par une proposition libertine ! ».
REINE DES VOLEURS DANS LE FILM DE ROMAIN GAVRAS À LA QUINZAINE
Femme assumée, femme libérée, femme égérie, mais avant tout, femme comédienne sur la Croisette. Avec Le Monde est à toi, présenté aujourd’hui à la Quinzaine des réalisateurs. Ou comment la reine Margot, devient reine des voleurs… « En fait, mon personnage est à la tête d’une bande de kaïras (sic) au féminin, avec lesquelles elle opère des larcins, tout en idéalisant son fils comme un grand mafieux, alors que ce n’est qu’un délinquant minable ». Un film choral de Romain Gavras, avec également Vincent Cassel en
loser absolu. « Un thriller comique, ou bien une comédie à suspens. On frôle le film de genre, mais Romain l’a sciemment contrarié en cassant les codes. On est plus proche de la réalité de la voyoucratie que de la mafia mythifiée, l’anti
Parrain ! ». Attention bandits, mais le ridicule ne tue pas. Et sur le tournage, Adjani a ri! « Sur le plateau, on était tous heureux dans le travail il régnait une sorte de joie enfantine. Je pense que Blier,Ventura, Blanche et les autres ont dû se fendre autant la poire sur Les Tontons flingueurs ». L’occasion de dévoiler une autre facette de son talent, malgré tout ce qu’Isabelle a déjà démontré durant sa riche carrière. Loin de ces rôles dramatiques et tourmentés qui ont sculpté son CV, d’Adèle H à Camille Claudel. Mais sans renoncer pour autant à ces performances qui lui ont valu un double prix d’interprétation au Festival (pour Quartet et Possession). Ou pourraient lui valoir un nouveau César (elle en possède déjà cinq, un record !), voire un premier Oscar (après deux nominations). Jamais rassasiée de trophées ? «Ahnon!Vraiment, si j’arrête ce métier sans avoir eu l’Oscar, c’est nul! , s’enthousiasme-t-elle. Au cinéma, il y a quand même la mythologie de la récompense, et ça peut-être aussi un moteur. » Et tant pis pour tous les grands rôles qu’elle a déjà esquivés, parce que soa vie ne se déroule pas uniquement sur un grand écran. « Il y a des moments où j’ai dû sacrifier mon métier, parce que je n’allais pas bien dans ma vie, reconnaît cette amoureuse passionnée qui en fut souvent blessée. Le prochain film de Virginie Despentes l’attend déjà.Isabelle a même décidé de reprendre un agent hollywoodien, vingt ans après. Elle ne dit même pas non à une belle série. Même faillible, Isabelle Adjani reste une reine de conquête…