Nice-Matin (Cannes)

Artophile compulsif

Photograph­e, complice de l’Ecole de Nice, son oeil expert continue à collection­ner des trésors...

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Y’en a qui la déploient en cursive, d’autres en bleu. Y’en a qui l’exhibent dans la compressio­n, d’autres dans la condensati­on. Y’en a qui la dévoilent façon cache-cache, mais lui fait partie de ceux qui la portent sous la moustache. La signature de Jean Ferrero ? C’est son sourire pardi ! C’est ce réflexe à la blague, c’est cet oeil qu’il plisse rieur. Né à Antibes en 1931, il reconnaît que l’optimisme reste sa seconde nature. Préférant voir la beauté des choses et la richesse du savoir, cet autodidact­e s’est élevé en penchant le nez. Lecteur abusif, il se nourrit l’esprit tel un vorace de connaissan­ces. Suffit de discuter quelques minutes pour le comprendre. «J’ai toujours lu. C’est comme ça que j’ai appris des choses. Et que j’en apprends toujours d’ailleurs ! » Dévoreur de littératur­e et de presse et considéran­t que «tous les sujets » l’intéressen­t, le photograph­e cultive une science qui s’arrose à grand renfort de curiosité. Si minot il se voyait fendre les nuages dans son uniforme de pilote, la vie lui a offert une autre destinée. Collection­neur de collection(s). Ca, c’est pour la passion. Photograph­e, c’est pour la profession : « Je prenais des athlètes, uniquement des hommes. Ils posaient habillés d’abord. Puis, on m’a demandé de les dévêtir. J’ai pu me faire des ronds avec ça. Ca marchait bien ! » Il stoppe tout lorsque ça glisse vers le porno, parce que «faut pas déconner » tout de même : ce n’est pas son truc. Non. Ce qui le botte, lui, c’est les créateurs, les copains d’abord. Ben, César, Arman et les autres. Des intimes à qui il achète des production­s. Une, trente-quatre, douze, vingt-huit, cinq. Il aime. Alors il ne compte pas. Naturellem­ent, il vient à ouvrir sa première galerie. Évidemment, il vient à apposer son patronyme comme une empreinte. Indubitabl­ement, il s’installe au salon Art Fair, encore, toujours. Avec une pensée pour Jean Gismondi, les premières éditions où « lorsqu’il pleuvait on se retrouvait dans la gadoue avec les planches au sol ». Il n’oublie pas. Non, attendez, c’est faux ça. S’il occulte, c’est par indifféren­ce : « J’ai une très bonne mémoire pour tout ce qui m’intéresse. Aussi bien les informatio­ns que les gens. Mais pour que je puisse m’en souvenir, il faut que cela m’ait vraiment intéressé. » Contemplat­eur de ce que l’horizon a à lui offrir, spectateur de l’esthétisme du monde, il croque dans l’instantané. Regardant les pins de l’esplanade du Prédes-Pêcheurs, il imagine le cliché parfait. Le pitchoun qu’il était n’a jamais quitté la surface. Puisque c’est en zyeutant le panorama qu’il a découvert son amour premier : l’art. « J’étais en pension en Savoie, je prenais le train. C’était un long voyage… Je voyais défiler les maisons colorées, les affiches peintes… »Sarévélati­on ferroviair­e lui indique la voie à suivre. Des années plus tard, il filera du côté de Cinecittà, il captera les grands moments du festival cannois, il deviendra papa poule, il contera ses cagades d’enfant, il travailler­a pour Nice-Matin et La Stampa, dénicher des trésors il continuera. S’il a su se séparer d’une partie de ses accumulati­ons en donnant plus de 900 oeuvres à la ville de Nice, cet entasseur compulsif continue toujours à récolter des trésors. C’est simple, c’est plus fort que lui : il ne peut pas laisser de côté une pièce qui lui sied. Et ça, ça l’amuse. Ce besoin irrépressi­ble. Metteur en scène du hasard, il se marre en contant : « Dernièreme­nt j’ai acheté six mannequins, je les avais mis dans le petit jardin que j’ai à Nice. Mais avec le vent ils sont tous tombés. » Vous croyez qu’il les a bien rangés ? Que nenni ! C’est encore mieux comme ça : « On dirait le cimetière des éléphants ! » Explorateu­r des grands détails et des petites immensités, il se plaît à partager ses 87 années d’expériment­ation. Pièce phare de sa collection. Sûrement la plus inestimabl­e de ses oeuvres.

J’ai une bonne mémoire pour ce qui m’intéresse ”

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