Paris pousse pour une riposte européenne aux sanctions US
La France a exhorté hier l’Europe à préparer une riposte forte et concrète aux menaces de sanctions que les États-Unis veulent appliquer aux entreprises étrangères travaillant en Iran. « Il est temps que l’Europe passe des paroles aux actes en matière de souveraineté économique», a estimé le ministre français de l’Économie, Bruno Le Maire, sur Europe 1. Et le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a jugé dans un entretien au Parisien que ces sanctions, de portée extraterritoriales, étaient « inacceptables ». Plusieurs entreprises européennes ont fait les frais ces dernières années de ce type de condamnations, permettant à Washington de sanctionner des entreprises étrangères travaillant avec des pays sous embargo, à partir du moment où elles commercent aussi avec les États-Unis ou utilisent le dollar dans leurs transactions. BNP Paribas a ainsi dû verser pas moins de 8,9 milliards de dollars. « Est-ce que nous acceptons la vassalisation de l’Europe en matière commerciale ? La réponse est non », a insisté M. Le Maire. Avant même de recevoir «fin mai» ses homologues britannique et allemand pour voir les moyens de riposter, le ministre a indiqué qu’une « feuille de route » contenant « trois propositions très concrètes » était d’ores et déjà prête.
Trois pistes étudiées « La première réponse, c’est le règlement de 1996, un règlement européen qui permet de condamner les sanctions extraterritoriales », qui pourrait être renforcé et adapté au nouveau contexte international, a-t-il déclaré. Créée pour contourner l’embargo sur Cuba, cette loi dite « de blocage » permet aux entreprises et tribunaux européens de ne pas se soumettre à des réglementations sur des sanctions prises par des pays tiers et stipule qu’aucun jugement décidé par des tribunaux étrangers sur la base de ces réglementations ne saurait s’appliquer dans l’UE. Elle n’a toutefois jamais été appliquée. Autre piste, «doter l’Europe d’instruments financiers » lui permettant d’être indépendante face aux États-Unis. Selon l’entourage de M. Le Maire, l’idée serait de contourner le système bancaire international Swift, par lequel passent plus de 90 % des transferts de fonds internationaux et qui est essentiellement contrôlé depuis les États-Unis. Enfin, le ministre a évoqué l’existence d’« un bureau de contrôle des actifs étrangers qui permet au ministre des Finances américain de suivre les activités des entreprises étrangères qui ne respecteraient pas les décisions américaines, de les condamner et les poursuivre» : « Pourquoi ne nous doterions-nous pas en Europe du même type de bureau européen capable de regarder les activités des entreprises étrangères et de vérifier qu’elles respectent les décisions européennes ? », a-t-il suggéré.