Nice-Matin (Cannes)

CANNES : LE DERNIER MOT À DON QUICHOTTE

Le Japonais Kore-eda crée une petite surprise en obtenant la Palme d’or. Le jury présidé par Cate Blanchett a livré un palmarès plutôt équilibré, récompensa­nt Godard mais aucune femme et... aucun Français. Un Festival clos joyeusemen­t par Terry Gilliam, a

- FRANCK LECLERC

Les paroles de Message in a Bottle étaient appropriée­s. « J’enverrai un SOS au monde», a chanté Sting hier soir, devant le jury perché sur la dernière marche du Palais. Ce SOS, Asia Argento avait été la première à le lancer en venant remettre sur scène le prix d’interpréta­tion féminine. « En 1997, j’ai été violée par Harvey Weinstein, ici même. J’avais vingt et un ans. Ce Festival était son terrain de chasse. Je veux faire une prédiction : il ne sera plus jamais le bienvenu à Cannes. » L’actrice italienne ne s’est pas arrêtée là, embrassant du regard une salle où pouvaient avoir pris place des hommes au comporteme­nt inacceptab­le. « Nous savons qui vous êtes. Et nous ne vous laisserons pas faire plus longtemps. » Ambiance… Autre moment fort de la soirée, l’appel bouleversa­nt de Nadine Labaki à ne plus fermer les yeux sur le sort des enfants des rues, livrés à eux-mêmes « dans le capharnaüm que le monde est devenu ». Recevant le Prix du jury, la réalisatri­ce libanaise a eu ces mots pour l’une des héroïnes de son film : « Je ne peux pas ne pas penser à la petite fille qui a joué le rôle de la soeur de Zain. Aujourd’hui, elle a probableme­nt passé toute la journée debout, sous le soleil, le visage collé contre les vitres des voitures, à essayer de se défendre contre les insultes et les humiliatio­ns (...) et à ruser pour ne pas se faire abuser ». Cette conclusion en forme d’utopie : «A nous tous, on peut changer quelque chose. Le cinéma n’est pas seulement fait pour divertir ou faire rêver. Il est là aussi pour montrer l’invisible, pour dire ce qu’on ne peut pas dire Je ne sais pas quelle est la solution. Mais je voudrais vous inviter à y réfléchir ensemble car l’enfance mal-aimée est à la base du mal dans le monde. » Couronné par la Palme d’or pour Une affaire de famille, Kore-eda venait de se féliciter de pouvoir puiser à Cannes «beaucoup de courage et d’espoir ». Propos de circonstan­ce. Besoin de légèreté ? Il fallait compter avec la grâce sautillant­e de Roberto Benigni, accueillan­t à bras ouverts le lauréat italien du Prix d’interpréta­tion. « C’est une tempête, un ouragan. Je suis plein de joie comme une pastèque ! » Jean-Luc Godard n’est pas venu chercher sa Palme d’or spéciale. Mais il a suivi le déroulemen­t de la soirée sur son smartphone, dans le droit fil de la conférence de presse qu’il avait animée à distance depuis les bords du Léman. « Comme les Rois mages, nous lui rapportero­ns cette récompense et nous pensons que ça lui fera plaisir», a remercié sa productric­e. Edouard Baer: « Cette comparaiso­n avec Jésus, peut-être moins ! » « Le Festival de Cannes remballe », avait annoncé le maître de cérémonie. Comme chaque année, quelques espoirs déçus, des pronostics déjoués. Mais, cette fois, l’euphorie de Terry Gilliam faisant le show sur le tapis. Une valse avec Olga Kurylenko, une révérence aux photograph­es, son Don Quichotte en clôture et déjà dans les salles.

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Terry Gilliam

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