Nice-Matin (Cannes)

& Palmarès : toujours pas de deuxième palme féminine

- PHILIPPE DUPUY

On y a cru presque jusqu’au bout, mais non : le jury de Cate Blanchett n’a pas décerné la deuxième Palme féminine que le Festival de Cannes attend depuis celle attribuée à La Leçon de piano de Jane Campion en… 1993! C’était pourtant l’année ou jamais, avec trois réalisatri­ces en compétitio­n et deux films qui pouvaient légitimeme­nt prétendre à la récompense suprême. Ils sont d’ailleurs au palmarès. Et Capharnaüm de Nadine Labaki, qui était donné favori, échoue d’à peine une marche. Étonnant que ce jury, majoritair­ement féminin, ait accordé son prix à un film féminin, mais ait renoncé à lui donner la Palme. Sans doute y avait-il parmi les membres du jury des membres qui y étaient faroucheme­nt opposés. Parmi la critique aussi, le film a divisé. Pour le reste, le palmarès Blanchett est presque indiscutab­le. Avec notamment la création d’une «Palme d’or spéciale» pour Jean-Luc Godard. C’est mieux qu’un prix d’honneur (toujours un peu embaumatoi­re) et cela souligne combien son oeuvre est à part (« spéciale », donc). Le film qu’elle récompense (Le Livre d’image) est plus abordable que ses prédécesse­urs, mais cela reste du cinéma « expériment­al ». La Palme d’or accordée au Japonais Hirokazu Kore-eda est une petite surprise. Une affaire de famille n’est sans doute pas son plus grand film, mais c’est celui qui pourra le mieux toucher le grand public.

Déjà récompensé à Cannes L’histoire d’une famille japonaise recomposée qui survit dans la débrouille, mais qui n’hésite pas à accueillir en son sein une petite fille battue et délaissée par ses parents. La poésie et l’humanité qui se dégagent du film ont fait pencher le jury, également sensible au superbe travail de mise en scène de ce grand cinéaste japonais. Déjà plusieurs fois récompensé à Cannes, il ne lui manquait que la Palme pour accéder à la cour des géants. C’est fait et on s’en réjouit. Comme on se réjouit de retrouver Spike Lee à son meilleur niveau de reconnaiss­ance (Grand Prix pour BlacKkKlan­sman) et Pawel Pawlikowsk­i récompensé pour Cold War. C’était notre favori pour la Palme, mais le prestigieu­x prix de la mise en scène honore son superbe travail. L’étonnant Marcello Fonte, qu’on croirait droit sorti d’un film de Fellini, remporte le prix d’interpréta­tion qui lui était promis pour son rôle de toiletteur malmené dans Dogman de Matteo Garrone. On a plus de réserves pour le prix féminin accordé à Samal Yeslyamova dans Ayka, copie carbone de Rosetta. Elle nous rappelle trop Émilie Dequenne et il y avait des candidates plus légitimes, notamment dans les films asiatiques oubliés du palmarès. Le prix du scénario ex-aequo accordé à Jafar Panahi pour 3 Visages peut aussi paraître un peu consolatoi­re. Mais on pourrait dire la même chose pour Lazzaro Felice d’Alice Rohrwacher avec laquelle il le partage. Deux films italiens au palmarès et aucun français. C’est justice: tous ont déçu. Certains (Les Filles du soleil, Un couteau dans le coeur) plus cruellemen­t que d’autres (En guerre, Plaire, aimer et courir vite). Le jury de Cate Blanchett a été impitoyabl­e avec les films prétentieu­x, ennuyeux, poseurs et maniérés de la sélection. Aucun n’a trouvé place au palmarès. Faute de « Palme féminine » ou « du renouveau », c’est peut-être cela le vrai changement!

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Cate Blanchett Hirokazu Kore-eda
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Nadine Labaki et Zain al-Rafeea

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