Sa belle-fille l’accusait de viols: un artisan antibois acquitté
Le délibéré a duré moins de quarante-cinq minutes. Patrick Veron, président de la cour d’assises des Alpes-Maritimes, fait approcher l’accusé de la barre. « À la question “Monsieur a-t-il commis des viols par ascendant sur Amanda, alors mineure ?”, il a été répondu “Non.” » Les avocats ont compris avant même que le verdict ne soit prononcé. Bruno, 53 ans, est acquitté. Sans un mot, comme encore sonné par huit années de procédure et deux jours de procès, il se dirige vers la sortie. Il tombe dans les bras de sa compagne en pleurs.
Des doutes non levés
Amanda, accusatrice de son beaupère, a depuis le milieu d’après-midi quitté le palais de justice. La jeune femme, responsable d’une crèche à New York, n’a pas accepté que l’avocat général, Alain Guimbard, requière l’acquittement. Le magistrat qui représente l’accusation s’est justifié : « Je ne dis pas qu’Amanda a menti, mais je ne suis pas en mesure de vous dire ce qu’il s’est passé. » Les doutes, qui existaient avant les débats, n’ont pas été levés, selon l’avocat général. Et en droit pénal, le doute doit profiter à l’accusé. La datation des agressions imprécises, les SMS envoyés à « son papa d’amour » sont-ils des éléments en faveur de l’accusé ? Pas forcément. Les professionnels du droit savent que la mise à distance du traumatisme rend les souvenirs flous, qu’une victime d’inceste peut être tourmentée par des sentiments ambivalents envers son agresseur.
Contradictions gênantes
Mais d’autres contradictions qualifiées de « majeures » par l’avocat général sont apparues, et les accusations ont été portées dans un climat familial très conflictuel. Bruno, volage, venait de demander le divorce. Sa fille et sa belle-fille ont fait bloc autour de leur mère malade et démunie. Les viols lors d’un séjour à Paris ? Matériellement impossible. Les viols en 2002 dans la cabine d’un bateau ? Ce bateau a été acheté par Bruno l’année suivante. Une scène érotique captée par un téléphone portable où Amanda se reconnaît et qu’elle date entre 2002 et 2003 ? Le modèle de téléphone n’est apparu qu’en 2007 et il est établi que la femme filmée est la maîtresse de l’accusé. « Le seul élément matériel dans cette affaire prouve qu’Amanda ment délibérément », tonne Me Philippe Soussi, l’un des deux avocats de la défense. Me Mathurin Lauze et Me Philippe Soussi, pour la défense, exploitent les failles d’un dossier bancal, avec l’espoir « d’arrêter enfin une machine judiciaire infernale ». Le parquet, le juge d’instruction et le parquet général avaient décidé d’un non-lieu. La chambre de l’instruction avait en revanche signé l’acte d’accusation.
Huit ans de procédures
« Le principal ennemi de la vérité, ce n’est pas le mensonge, c’est la conviction, a rappelé Me Soussi en citant Nietzsche. Le doute est une arme chargée de vérité », poursuit le pénaliste. Amanda avait été jugée crédible par les experts. Des experts qui n’ont rien trouvé de suspect dans la personnalité de Bruno, un artisan à la trajectoire de vie banale. Les jurés ont suivi leur intime conviction et refusé de déclarer coupable l’accusé. Me Mathurin Lauze confie, soulagé : « La justice est passée et avec elle huit ans d’une procédure chaotique. Nous sommes très satisfaits. » « Ce n’est pas une victoire de la défense, mais de la justice », ajoute Me Soussi.