Nice-Matin (Cannes)

Les jeunes délinquant­s passent en cuisine

Le restaurant pédagogiqu­e Les Palmiers, par le biais de la protection judiciaire de la jeunesse, aide des ados ayant commis un délit à réintégrer un cursus scolaire

- JÉRÉMY TOMATIS jtomatis@nicematin.fr

S’ils sont là, ils le doivent à leurs erreurs de jeunesse. À un parcours scolaire proche du chaos et des actes de délinquanc­e. Forcément, le système judiciaire les a repérés et envoyés dans une structure adaptée qui les accompagne afin de rentrer dans le droit chemin. Pour trouver leur voie et, peutêtre, enfin grandir. Cette trajectoir­e de vie en dents de scie les a envoyés au sein de l’Unité éducative d’activité (UEA) dont dépend le restaurant pédagogiqu­e Les Palmiers. Celui-ci vient de rouvrir.

Qu’est-ce qu’un restaurant pédagogiqu­e ?

S’il existe depuis quelques années déjà, ce restaurant pédagogiqu­e est un outil de réinsertio­n dans lequel les jeunes vont être replacés dans les situations réelles du monde profession­nel. Il s’agit ici de goûter à l’apprentiss­age d’un métier dans la cuisine ou le service en salle afin de reprendre un cursus scolaire ou d’apprentiss­age pour poursuivre leur nouvelle orientatio­n profession­nelle. « Les profils sont différents mais ce sont, généraleme­nt, des mineurs entre 15 et 18 ans qui ont décroché de l’école et ont commis des actes de délinquanc­e, explique Anais Jourdan, directrice du service territoria­l, éducatif de milieu ouvert et d’insertion (1). La plupart du temps, ils ont eu une rupture dans leur parcours. Nous, on essaie simplement de leur servir de passerelle vers un dispositif de droit commun comme l’éducation nationale, l’apprentiss­age, etc. »

Quelle est la durée de leur immersion ?

Les jeunes restent généraleme­nt entre 6 mois et 1 an au sein du restaurant pédagogiqu­e. «Le but, c’est que ce soit le plus court possible, souligne Anais Jourdan. Si ça leur plaît, on fait tout pour qu’ils intègrent un cursus classique. On travaille avec eux sur un projet et dès que l’on voit des progrès significat­ifs, on lance l’intégratio­n. »

Ce restaurant est-il ouvert au public ?

Oui. C’est ça la bonne nouvelle ! Tous les jeudis à midi, le restaurant pédagogiqu­e Les Palmiers ouvre ses portes au public. Et pour rassasier les appétits voraces qui s’y aventurero­nt, les jeunes cuisiniers et serveurs proposent deux menus avec chacun une entrée, un plat et un dessert. Le tout, pour seulement 15 euros (2).

Qui sont les encadrants ?

Trois éducateurs encadrent les jeunes apprentis. Derrière les fourneaux, c’est Laurent Albanese qui joue au professeur technique et distille son savoir-faire au compte-gouttes. Un travail qui paye ses fruits si l’on jette un oeil au buffet qui était présenté pour la réouvertur­e : vérine de ratatouill­e et gelée de basilic, cuillère de guacamole et crevettes piquantes, poulet cacahuète, salade de pennes et roquette, palet de polenta, poivrons, anchois et câpres ou encore cookie de sardines. Bon appétit…

Un partenaria­t avec la fondation Escoffier

Une convention entre le restaurant pédagogiqu­e et la fondation Escoffier a été signée afin d’intégrer des jeunes à la fondation une fois le passage de la passerelle pédagogiqu­e réussi. Quand ils sont majeurs, ils peuvent ainsi être candidats aux ateliers Cuisine mode d’emploi créé par le chef étoilé Thierry Marx.

« La cuisine, c’est du sport ! »

Amadou a 17 ans. Un destin de cuisinier semble se dessiner pour cet élève du restaurant. La cuisine n’était pas forcément une passion avant son arrivée, mais c’est quelque chose qui lui plaît beaucoup aujourd’hui. « J’aime bien goûter différente­s choses et c’est un métier où il faut bouger. Et ça aussi ça me plaît. La cuisine, c’est du sport ! Gagner ma vie en faisant la cuisine, c’est une belle opportunit­é. » Laurent Abanese, son professeur, poursuit : « Il a participé à un concours de cuisine, Les parcours du goût, à Toulouse. Il a été repéré par Fabien Brunet, un chef pâtissier chez Lenôtre, à Paris. Ils lui ont proposé un stage dans la capitale ou à Mouans-Sartoux mais on est en train de voir quelle est la meilleure solution pour lui. » Réservé, Amadou approuve d’un signe de tête. Bientôt, il quittera le restaurant pour voler de ses propres ailes à nouveau… pour peut-être, un jour, rejoindre les étoilés.

1. Le Stemoi met en oeuvre des mesures judiciaire­s pour les mineurs qui leur sont confiés par les magistrats du tribunal de Grasse. Il s’agit d’un service de la protection judiciaire de la jeunesse qui elle-même dépend du ministère de la Justice. 2. Restaurant Les Palmiers, 4 avenue des Palmiers à Juan-les-Pins. Réservatio­ns au 04.97.21.79.00. ou au 06.71.32.88.28.

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Eric Ottino) De gauche à droite : Laurent Albanese, Amadou, Magalie (professeur de mathématiq­ues et de français détaché par l’éducation nationale) et Anais.(Photo

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