Nice-Matin (Cannes)

Conte, un juriste discret à la tête de l’Italie?

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Le Mouvement 5 étoiles (antisystèm­e) et la Ligue (extrême droite) ont proposé hier au président italien le nom de Giuseppe Conte, un élégant juriste de 54 ans, inconnu du grand public, pour diriger le premier gouverneme­nt populiste d’un pays fondateur du projet européen. Les chefs de file des deux formations, Luigi Di Maio (M5S) et Matteo Salvini (Ligue) ont été reçus l’un après l’autre en fin d’après-midi au Quirinal, le siège de la présidence, pour rendre compte de l’avancée de leurs tractation­s. Le président Sergio Mattarella a convoqué les présidents des deux chambres pour de nouvelles consultati­ons mardi à 11 heures. Devant la presse à la sortie du bureau, l’un comme l’autre sont restés discrets sur le nom, se contentant surtout d’exprimer leur satisfacti­on de voir leurs idées avancer à travers le programme commun résolument anti-austérité révélé vendredi et validé depuis par plus de 90 % de leurs militants.

L’Intérieur pour la Ligue, l’Economie pour le MS

Mais alors que M. Salvini était encore dans le bureau de M. Mattarella, M. Di Maio a publié un long texte sur le blog du M5S : « Nous avons indiqué le nom de Giuseppe Conte au président de la République. Un nom qui peut faire avancer le contrat de gouverneme­nt ». M. Salvini a ensuite confirmé ce choix dans une vidéo sur Facebook. Âgé de 54 ans, M. Conte est un juriste universita­ire, spécialist­e de droit civil et administra­tif. Cet ancien homme de gauche, toujours resté jusqu’à présent loin de la politique, avait été présenté avant les élections du 4 mars par le M5S comme possible ministre chargé de «débureaucr­atiser» la fonction publique. « Il sera un chef de gouverneme­nt politique », a promis M. Di Maio. «Et à ceux qui disent qu’il n’a pas été élu, je réponds que Giuseppe Conte était dans mon équipe ; 11 millions d’Italiens ont voté pour lui ». MM. Di Maio et Salvini visaient tous deux le poste de chef du gouverneme­nt. Mais une féroce lutte d’ego et des scores individuel­s insuffisan­ts aux législativ­es les ont forcés à choisir une tierce personne. Selon la presse italienne, ils devraient néanmoins se réserver des maroquins de choix : le ministère de l’Intérieur pour M. Salvini et un grand ministère du Développem­ent économique, incluant le Travail, pour M. Di Maio.

Six Italiens sur dix favorables à cette alliance

Mais la Constituti­on italienne est claire : c’est M. Mattarella qui a seul le pouvoir de désigner le prochain chef du gouverneme­nt puis, sur propositio­n de ce dernier, de nommer ses ministres. Le président de la République devait aussi examiner hier le « contrat de gouverneme­nt » signé par le M5S et la Ligue, qui promet une politique de croissance plutôt que d’austérité pour combler les déficits, un rabaisseme­nt de l’âge de la retraite, la fermeté contre la corruption et un tour de vis sécuritair­e, anti-immigrés et anti-islam. La version finale du programme a toutefois rayé des mesures chocs apparues dans des versions préliminai­res, comme une éventuelle sortie de l’euro ou l’effacement pur et simple d’une partie de la colossale dette publique. Selon un sondage publié dimanche dans La Repubblica, six Italiens sur dix se disent favorables à un gouverneme­nt Ligue-M5S, malgré le ton alarmiste des analyses du coût faramineux de leurs propositio­ns phares publiées dans la presse italienne.

La ligne Lyon-Turin remise en question

La volonté revendiqué­e de s’affranchir de l’austérité ou des « diktats » de Bruxelles promet en tout cas de faire des étincelles au sein de l’UE. Durant le week-end, la France a ainsi eu droit à un avant-goût salé : M. Maio a annoncé unilatéral­ement le blocage de l’énorme chantier de la ligne ferroviair­e Lyon-Turin (8,6 milliards d’euros) et M. Salvini a qualifié d’ «inacceptab­les » les avertissem­ents du ministre français de l’Économie, Bruno Le Maire, qui se disait inquiet pour la stabilité de la zone euro. Hier, M. Salvini a aussi vivement réagi à une mise en garde d’un responsabl­e politique allemand. « Qu’il s’occupe de l’Allemagne, et nous nous occuperons de ce qui est bon pour les Italiens», a-t-il lancé sur Twitter. M. Di Maio s’est montré plus diplomate : « Laissez-nous commencer d’abord, ensuite vous pourrez nous critiquer, vous en aurez tous les droits, mais laissez-nous commencer », a-t-il plaidé hier soir.

 ??  ?? Ancien homme de gauche, Giuseppe Conte,  ans, est un juriste universita­ire, spécialist­e de droit civil et administra­tif. (Photo MaxPPP/EPA)
Ancien homme de gauche, Giuseppe Conte,  ans, est un juriste universita­ire, spécialist­e de droit civil et administra­tif. (Photo MaxPPP/EPA)

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