Le canal de la Siagne, la génèse du projet
Serpentant nonchalamment à travers la campagne, le canal de la Siagne est indissociable du paysage rural de Saint-Mathieu. Sa construction fut initiée par Lord Brougham, ex-chancelier d’Angleterre, lors d’un voyage qu’il effectua avec sa fille Eléonore au début du siècle dernier, sous le SecondEmpire. En ce mois de décembre , les deux voyageurs ne purent franchir le Var pour se rendre en Italie, les États du Piémont ayant fermé leurs portes pour cause d’épidémie de choléra. Eléonore et son père décidèrent alors de demeurer à Cannes pour y passer la quarantaine. Subjugué par la beauté du site, l’aristocrate britannique y fit construire une magnifique demeure invitant par la suite toute la « gentry » anglaise qu’il connaissait. Sous son impulsion, commencèrent les premières opérations de promotion foncière et rapidement, une petite colonie anglaise s’installa dans la ville. Cependant, l’entretien des jardins nécessitait de grandes quantités d’eau et dès , on envisagea une possible adduction de la Siagne. Prosper Mérimée intervint auprès de l’impératrice Eugénie qui obtint de Napoléon III un décret approuvant en août , la construction d’un tel canal. Le financement fut réalisé par les Anglais en accord avec la ville de Cannes. La société britannique revendit ensuite ses droits au Crédit Foncier d’Angleterre qui in fine, les céda à la Lyonnaise des Eaux et de l’Éclairage, nouvellement créée.
Le canal fut construit en deux ans. Son trajet couvre aujourd’hui quarante-trois kilomètres, avec une pente de cinquante centimètres par kilomètre. Le parcours comporte plusieurs chutes et aqueducs. Au coeur des douze kilomètres de gorges, les souterrains alternent avec sept kilomètres de mur de soutènement. Ce fut certainement le plus grand chantier du XIXe siècle et aujourd’hui encore on se demande comment tout a pu aller si vite, le transport des matériaux se faisant à dos d’hommes et de mulets. On reste admiratif devant une telle performance. Régulièrement entretenue, l’adduction a été couverte voilà quelques années lors de son passage en zone industrielle ou très urbanisée, afin de limiter les risques de pollution. Le canal à ciel ouvert confère au hameau de Saint-Mathieu, un charme suranné qui évoque le temps où l’on allait cueillir la fleur.