Banlieues : Macron appelle à « changer de méthode »
Le Président a préféré, hier, s’en tenir à « une philosophie », ne croyant plus aux grands programmes propices, selon lui, à « une politique de clientèle »
Pas de plan chiffré mais un changement de méthode pour rétablir l’égalité: des places en crèche aux stages de 3e, Emmanuel Macron a dévoilé, hier, une série de mesures pour les quartiers défavorisés s’inspirant, en partie seulement, du rapport Borloo. « Je ne vais pas annoncer un plan banlieues », a déclaré le chef de l’Etat, dans la salle des fêtes de l’Elysée où étaient réunis plus de six cents acteurs de terrain et presque tout le gouvernement. Car « on est au bout » de ce qu’a pu produire cette stratégie « aussi âgée que moi », a ajouté le Président, pour qui « poursuivre dans cette logique est poursuivre dans l’assignation à résidence, la politique spécialisée, et je n’y crois pas ». Appel aux entreprises, stages, école: pendant une heure trente, le chef de l’Etat a toutefois déroulé une liste de mesures, non chiffrées, en donnant un rendez-vous d’étape en juillet à divers acteurs de cette « mobilisation » visant à « construire une politique d’émancipation ». Un « comité de suivi », composé de personnalités tournantes, se réunira ensuite tous les deux mois, a-t-il détaillé, en rappelant les mesures gouvernementales dont ont déjà bénéficié les quartiers: police de proximité, dédoublement des classes de CP, mise à l’amende des consommateurs de cannabis... Les banlieues « ne demandent pas d’assistance » mais leur «place dans la République», avait auparavant déclaré Jean-Louis Borloo, auteur d’un rapport très commenté sur l’avenir des 1 300 quartiers prioritaires en métropole où habitent cinq millions de personnes. « Tous les sujets du rapport ont été cochés », s’est félicité l’ancien ministre de la Ville après le discours, alors que beaucoup prédisaient un enterrement de son rapport. Parmi les mesures effectivement reprises, la mise en chantier d’une « cour d’équité territoriale » ou la création de « 30 000 places en crèche » pour favoriser le travail des femmes avec une subvention de « 1 000 euros par place » dans les quartiers.
Appel aux plus grandes entreprises
Alors que le chômage touche un quart de la population et un tiers des jeunes de ces quartiers, le chef de l’Etat a appelé les 120 plus grandes entreprises françaises à « prendre leur part » sur l’emploi et l’apprentissage, en diversifiant les embauches (avec des tests anti-discrimination dans les trois ans) et en proposant des stages aux élèves de 3e (15 000, soit autant que l’Etat). Mais sur la rénovation urbaine, noeud de l’action publique dans les quartiers, Emmanuel Macron n’a pas repris telle quelle la proposition ambitieuse de « fondation nationale » de Jean-Louis Borloo, évoquant une opération « coeur de quartiers » d’ici à juillet et une action sur les copropriétés dégradées.
« Défaut de concret »
Du côté des élus, qui croyaient beaucoup au plan Borloo, la déception était palpable : « Défaut de concret », pour Patrice Bessac, maire PCF de Montreuil (Seine-SaintDenis), « petits pas » pour Stéphane Gatignon, l’ex-maire de Sevran... Il y avait « de vraies attentes dans les quartiers », notamment sur la rénovation urbaine, a déploré le maire divers-gauche de Villiers-le-Bel, Jean-Louis Marsac, pour qui « l’analyse est bonne » s’agissant de la sécurité mais «les moyens n’y sont pas » ,avec1 300 policiers promis pour 60 quartiers. Le chef de l’Etat, qui a annoncé un plan de lutte contre le trafic de drogue « d’ici à juillet », s’est aussi ému des discours racistes et antisémites « en train d’empirer » et de la radicalisation « qui dans certains quartiers a gagné, est en train de gagner ». A ce sujet la présidente du FN, Marine Le Pen, a raillé «la politique de l’autruche » du gouvernement sur le « fondamentalisme islamiste ». Le patron des Républicains, Laurent Wauquiez, a critiqué une « politique spectacle », sans « rien derrière » et qui délaisse « les territoires oubliés de la République ».