La gueule de l’emploi
Mettez, un instant, vos convictions de côté. Et tentons ensemble un petit exercice d’honnêteté intellectuelle. Retour dans les années -. Les titres se suivent et se ressemblent dans la presse. De mémoire : « Les nuls », « Le stagiaire », « Les apprentis », « M. Bricolage », « Les Branquignols », « Pépère est-il à la hauteur ? »... Il y en eut tellement d’autres. Ajoutez à cela une photo dudit pépère ventripotent sur la plage de Brégançon et le quinquennat était déjà condamné, à peine amorcé. Imaginons maintenant que, par quelque extraordinaire concours de circonstances, François Hollande ait réussi à se faire réélire en . Et que la situation du pays soit à peu près celle-ci : un chômage quasi stable malgré une potion libérale drastique, un impôt supprimé sans vraiment l’être, des trains au ralenti depuis un mois, un plan banlieues se résumant àune « philosophie » sans moyens, des lycéens laissés dans l’incertitude sur leur avenir. Ça ne vous rappelle rien ? Ce serait alors le coup de grâce, l’hallali. On voit bien les titres refleurir à n’en plus finir : « Les bricolos, le retour ! », « Ils sont vraiment nuls », « Hollande a un pète au casque », «Stagiaire à vie », «Flanby redouble », « Maman, j’ai encore tout raté ! »... On vous laisse en inventer d’autres. Il ne s’agit pas de dire ici que François Hollande fut un Président exceptionnel. Mais sans doute la vox populi s’est-elle délectée d’en faire son souffre-douleur plus que
de raison. D’autant « Malheur à celui
plus férocement qu’il qui gribouille sa lui a facilité la tâche, en installant le communication. » sentiment de flotter dans son costume. En ces temps de buzz et d’anecdote, malheur à celui qui n’a pas la tête de l’emploi et gribouille sa communication, jusqu’à imprimer l’image grossière et indélébile d’un velléitaire ne portant même pas la culotte chez lui. C’est injuste, cruel, mais le quinquennat de Hollande a sombré en deux temps trois mouvements: le tweet anti-Ségolène de Valérie Trierweiler puis l’affaire Leonarda ont perforé la coque, la sortie de Merci pour ce moment achevant d’envoyer la chaloupe présidentielle par le fond. Dans un style tout différent mais de la même façon en réalité, Nicolas Sarkozy a perdu l’élection de dès l’été : son passage au Fouquet’s puis son escapade sur le yacht de Vincent Bolloré ont scellé son avenir avant l’heure. Emmanuel Macron a retenu la leçon des impairs de ses prédécesseurs. Mieux, il en a tiré un viatique. Dès le soir de son élection, il a posé le socle d’une restauration du régime. Son pas lent à outrance dans la cour du Louvre a ravivé la superbe présidentielle, le gonflant d’un capital prestance qui lui permet, jusqu’ici, de contenir les râleurs. Reste à savoir combien de temps cette image d’Epinal, savamment entretenue sur la scène internationale, résistera aux assauts têtus des aigreurs hexagonales.