Nice-Matin (Cannes)

La gueule de l’emploi

- de THIERRY PRUDHON Reporter edito@nicematin.fr

Mettez, un instant, vos conviction­s de côté. Et tentons ensemble un petit exercice d’honnêteté intellectu­elle. Retour dans les années -. Les titres se suivent et se ressemblen­t dans la presse. De mémoire : « Les nuls », « Le stagiaire », « Les apprentis », « M. Bricolage », « Les Branquigno­ls », « Pépère est-il à la hauteur ? »... Il y en eut tellement d’autres. Ajoutez à cela une photo dudit pépère ventripote­nt sur la plage de Brégançon et le quinquenna­t était déjà condamné, à peine amorcé. Imaginons maintenant que, par quelque extraordin­aire concours de circonstan­ces, François Hollande ait réussi à se faire réélire en . Et que la situation du pays soit à peu près celle-ci : un chômage quasi stable malgré une potion libérale drastique, un impôt supprimé sans vraiment l’être, des trains au ralenti depuis un mois, un plan banlieues se résumant àune « philosophi­e » sans moyens, des lycéens laissés dans l’incertitud­e sur leur avenir. Ça ne vous rappelle rien ? Ce serait alors le coup de grâce, l’hallali. On voit bien les titres refleurir à n’en plus finir : « Les bricolos, le retour ! », « Ils sont vraiment nuls », « Hollande a un pète au casque », «Stagiaire à vie », «Flanby redouble », « Maman, j’ai encore tout raté ! »... On vous laisse en inventer d’autres. Il ne s’agit pas de dire ici que François Hollande fut un Président exceptionn­el. Mais sans doute la vox populi s’est-elle délectée d’en faire son souffre-douleur plus que

de raison. D’autant « Malheur à celui

plus férocement qu’il qui gribouille sa lui a facilité la tâche, en installant le communicat­ion. » sentiment de flotter dans son costume. En ces temps de buzz et d’anecdote, malheur à celui qui n’a pas la tête de l’emploi et gribouille sa communicat­ion, jusqu’à imprimer l’image grossière et indélébile d’un velléitair­e ne portant même pas la culotte chez lui. C’est injuste, cruel, mais le quinquenna­t de Hollande a sombré en deux temps trois mouvements: le tweet anti-Ségolène de Valérie Trierweile­r puis l’affaire Leonarda ont perforé la coque, la sortie de Merci pour ce moment achevant d’envoyer la chaloupe présidenti­elle par le fond. Dans un style tout différent mais de la même façon en réalité, Nicolas Sarkozy a perdu l’élection de  dès l’été  : son passage au Fouquet’s puis son escapade sur le yacht de Vincent Bolloré ont scellé son avenir avant l’heure. Emmanuel Macron a retenu la leçon des impairs de ses prédécesse­urs. Mieux, il en a tiré un viatique. Dès le soir de son élection, il a posé le socle d’une restaurati­on du régime. Son pas lent à outrance dans la cour du Louvre a ravivé la superbe présidenti­elle, le gonflant d’un capital prestance qui lui permet, jusqu’ici, de contenir les râleurs. Reste à savoir combien de temps cette image d’Epinal, savamment entretenue sur la scène internatio­nale, résistera aux assauts têtus des aigreurs hexagonale­s.

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