Albert Pourcel, des tranchées au firmament
L’ouvrage de Patrica Civel relate, par le biais du journal de cet enfant du village et une part de romance historique, la vie d’un soldat de 14-18 et le quotidien à l’arrière du front
21 février 1918 : ce matin, je termine mon brevet. Maintenant me voilà pilote. Merci Mon Dieu, mais je suis bien heureux ». Trois jours plus tard, le 24 février, Albert Pourcel mettra un point final à son journal de campagne débuté le 1er août 1914. Le 17 mai 1918, l’avion d’Albert Pourcel s’écrasait dans la baie de la Somme, près de l’école d’application du Crotoy. Adieu rêve d’aviateur, adieu petit village de Valbonne d’où le jeune homme âgé de 25 ans pour l’éternité était originaire. Ce journal, retranscrit avec soin par le chasseur alpin au 46e et 32e BCA dans deux cahiers d’écolier, soigneusement conservés, forme le coeur de l’ouvrage de Patricia Civel, « Albert Pourcel, le chasseur alpin aux ailes brisées » qui vient de paraître aux éditions RIC. La sortie officielle de ce livre qui, via le quotidien du soldat permet également de retracer la vie du Valbonne rural, loin du front et dans l’attente de ses chers enfants, est un événement. Un projet porté par tout un village ! L’oeuvre, labellisée mission Centenaire, est née grâce à une souscription publique et de nombreux soutiens (1) boucle une commémoration inaugurée en novembre 2015, avec l’exposition « 25 Valbonnais tombés au champ d’honneur » . Ce beau livre de 270 pages, riche de multiples illustrations, a surtout vu le jour grâce à l’opiniâtreté de Patricia Civel. La présidente de l’artothèque l’Art Tisse s’est livrée à un long et patient travail d’enquêtrice historique : décryptage du journal d’Albert, vérifications pointues pour retrouver l’orthographe exacte de ces villes et villages d’Alsace, du Nord et des Flandres traversés par Albert, une immersion dans les archives, les témoignages recueillis auprès des descendants, les appels au prêt de documents, etc. C’est aussi la découverte, ou plutôt la confirmation d’une très jolie plume.
Un roman historique... en partie
Car Patricia a fait un choix : mêler au journal authentique une large part de roman historique. «Jeme voyais mal faire une compilation de matériaux et de dates, explique-t-elle. J’ai inséré des lettres supposées avoir été écrites à Albert par ses proches. Son père et sa mère, Pierre et Palmyre, dite « Poucé ». Mais aussi, par le maire Joseph Bermond dont la famille était très proche de celle d’Albert. Ces lettres sont fictives mais toujours nourries par un cadre historique ». Patricia donne également chair à cette période en peignant des situations intimes. En se mettant, avec justesse et pudeur, dans la tête des protagonistes. Mobilisation d’août 1914, organisation du village rural durant ce trop long conflit, notamment les récoltes qui, les hommes étant mobilisés, sont très compliquées, retour des « grands morts » pour des obsèques dignes et émouvantes... L’artifice des lettres, et la retran scription des discours du maire, fait revivre tout un village. Au-delà du soldat Pourcel, un homme remarquable se détache : le maire Joseph Bermond. « Il organise tout pour ses administrés et surtout les familles des soldats. Un véritable père pour tous » note l’écrivain. Il y a notamment cette idée de la carte postale envoyée à chaque homme au front, signée par le conseil municipal. On peut lire les réponses, souvent très émues, des soldats. « Beaucoup, comme Alfred Pourcel, évoque leur amour pour la patrie, la grande, mais aussi la petite : leur village » . Pour l’auteur, tout avait commencé avec le désir de relater la mésaventure du tombeau perdu d’Alfred Pourcel. Une légende familiale disait que le corps du malheureux avait disparu lors de l’accident en avion. Mais sa dépouille anonyme avait été finalement retrouvée et identifiée au fond d’un tombeau du cimetière. « Puis, vu la richesse de l’histoire, finalement, le fait divers est passé au second plan...». C’est tout un village qui s’anime, ainsi. De belles âmes qui ressuscitent. Qui s’en plaindra ?
1.Labellisé Mission du Centenaire, l’ouvrage est publié par l’Art Tisse et soutenu par des subventions et contributions de collectivités locales (Mission du Centenaire et Ville de Valbonne-Sophia Antipolis, l’ONAC, des fonds privés (Mutuelle des Anciens Combattants et Crédit Agricole), du mécénat privé et une souscription.