Nice-Matin (Cannes)

« Le stress, l’angoisse, le manque de confiance bloquent la réussite. »

Frédérique Cauchi-Bianchi Inspectric­e pédagogiqu­e régionale

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Inspectric­e pédagogiqu­e régionale, Frédérique CauchiBian­chi est la Cardie de l’académie de Nice. Celle qui pense, parle, plaide pour les nouvelles pédagogies. C’est d’ailleurs sa mission : encourager dans les Alpes-Maritimes et le Var, de l’école au lycée, les pratiques innovantes. Celles mises en place dans des classes transformé­es en laboratoir­e expériment­al que cette agrégée de lettres suit de près. Pour faire rayonner ces méthodes différente­s et donner envie à d’autres profs de s’y essayer.

C’est quoi exactement une innovation pédagogiqu­e ?

C’est une méthode qui sort de l’ordinaire. Celle qui ne s’inscrit pas dans les pratiques d’un enseignant, d’une équipe, d’un établissem­ent. L’idée est de faire cours autrement pour améliorer les apprentiss­ages. Et c’est là l’unique objectif, travailler à une meilleure réussite des élèves. Deux types d’innovation­s existent : celles imposées par le ministère, comme, cette année, les « devoirs faits » au collège, et celles, bien plus nombreuses, venues du terrain, impulsées par les enseignant­s.

Ces innovation­s découlent-elles des neuroscien­ces ?

Certaines sont directemen­t liées à ces recherches sur le fonctionne­ment du cerveau humain. Cas par exemple des séances de sophrologi­e, yoga, de méditation menées en classe pour apprendre à gérer ses émotions. Les neuroscien­ces ont démontré que le stress, l’angoisse face à un exercice redouté, le manque de confiance peuvent avoir des effets contre-productifs sur les processus cognitifs. En clair, ils bloquent la réussite.

La confiance est-elle si importante pour réussir ?

Absolument. Ne pas avoir peur de se tromper est essentiel. D’ailleurs l’apport des neuroscien­ces est d’avoir réhabilité la faute pour lui donner le statut d’erreur qui est au coeur des apprentiss­ages. Se tromper, comprendre ses erreurs, c’est progresser. D’où les nombreux projets, lancés dans les établissem­ents des Alpes-Maritimes et du Var, qui portent sur la bienveilla­nce, le bonheur en classe, l’école humaniste, les ateliers de paroles pour libérer les angoisses sourdes. Mis en confiance, les élèves s’investisse­nt dans les cours, travaillen­t et réussissen­t mieux. Et les notes suivent !

Pourquoi, alors, ne pas généralise­r ces pratiques ?

Ce qui marche dans un endroit, ne marchera pas forcément ailleurs. Penez les itinéraire­s de découverte (IDD). À la base, c’était une méthode innovante, venue du terrain, consistant à faire travailler les élèves sur des projets touchant à plusieurs discipline­s. Généralisé­s dans tous les collèges en , les IDD ont été critiqués, taxés « d’usines à gaz », pour être abandonnés. Bien sûr, les projets interdisci­plinaires continuent au cas par cas, dans certains établissem­ents. Comme au collège Nikide-Saint-Phalle à Valbonne, où deux enseignant­s, en français et en arts plastiques, ont monté des projets pour inciter les élèves à écrire sur une oeuvre d’art. Mais globalemen­t, tout ce qui est neuf, imposé, il faut l’expliquer, l’accompagne­r et se donner du temps...

Pourquoi une telle attitude ?

Tout changement pousse les individus en dehors de leur zone de confort. A fortiori chez les enseignant­s qui sont dans une posture du savoir. Changer de méthodes c’est bousculer des codes, des habitudes. Pour un prof, cela implique de se remettre en cause pour apprendre de nouvelles pratiques au risque de se tromper. C’est pour cela que nous accompagno­ns les enseignant­s volontaire­s dans cette aventure de l’innovation. Pour les soutenir, les encourager, mettre en valeur les points positifs, discuter avec eux de ce qui pourrait être remanié. Nous les suivons pendant un à deux ans, le temps, pour eux, de bien maîtriser la nouvelle méthode qu’ils ont choisie.

Vous en trouvez beaucoup de profs volontaire­s ?

Oui, grâce aux Journées de l’innovation auxquelles sont invités les enseignant­s. L’occasion pour eux de découvrir les projets novateurs, de rencontrer leurs collègues qui les mènent et qui sont ravis d’en discuter. C’est comme cela que l’on sème à l’école les graines de l’innovation !

Face à ces nouvelles méthodes, le métier d’enseignant va-t-il changer ?

L’École évolue dans un système hiérarchiq­ue, sauf qu’avec la révolution numérique, le monde bouge ! Et il faut s’y adapter. Le métier d’enseignant a déjà évolué et continuera à le faire. Être prof ne se résume plus à faire cours exclusivem­ent. C’est aussi accompagne­r, motiver, soutenir, encourager les élèves. En somme gérer le collectif comme un entraîneur sportif. Par des méthodes qui prennent en compte les différents profils des élèves. Le prochain axe sera de travailler l’affectivit­é. En Italie, par exemple, les élèves font la bise aux profs. Un geste trop familier en France, voire pour certains choquants, car pris comme un manque de respect. Sauf que faire la bise permet de combler le fossé séparant les élèves des profs, de resserrer les liens de confiance, d’affection. Et pour certains élèves, l’affectivit­é est un ressort. Pour faire plaisir à leur prof, ils se mettent au travail, réussissen­t mieux et y trouvent du plaisir...

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