Paroles de profs qui font cours autrement
Dans sa classe de 6e au collège Jean-HenriFabre, quartier Las Planas à Nice, Elsa Cuffi, professeur de français, n’est ni à son bureau ni sur l’estrade. Mais dans l’arène, au milieu du cercle formé par les bureaux occupés par ses élèves. Ici, tables et chaises bougent en fonction des leçons abordées. Aujourd’hui, c’est l’heure du débat sur Ulysse et la guerre de Troie. Des pages de l’Illiade lues à la maison que les élèves doivent commenter. D’où l’organisation de la classe en salon où l’on cause. Mais sans chahut ni débordements. En levant le doigt pour prendre la parole, en s’écoutant les uns les autres, en applaudissant un camarade lorsqu’il lit un texte de sa composition...
Classe et tribunal coopératifs...
Bienvenue dans la classe coopérative. Une pratique inspirée de la méthode Freinet où les élèves deviennent acteurs de leurs cours. Où les problèmes entre camarades sont abordés en classe. Tranchés par un tribunal présidé par un élève tiré au sort. Un vendredi sur deux, c’est séance plénière en cours de français. L’occasion d’ouvrir la boîte à doléances et de vider son sac. « Tout ce qui pose problème est discuté, explique Elsa Cuffi. En dix minutes, disputes, moqueries, tensions entre élèves, problèmes de discipline sont pliés, évacués et les esprits libérés. Prêts à se concentrer en cours. » Méthode un brin baba cool ? « Pas du tout, rétorque-t-elle. Elle est fondée sur la bienveillance, le respect de l’autre, avec pour les élèves l’obligation de progresser. »
Briser l’ennui en classe
Si Elsa a abandonné les cours traditionnels c’est, dit-elle, pour briser l’ennui en classe qui la gagnait. « J’avais l’impression de tourner en rond sans vraiment intéresser mes élèves. Parce que les cours classiques ne conviennent plus aux enfants d’aujourd’hui. Dans ce monde hyperconnecté, ils ont besoin de s’exprimer, de participer. » Dans l’ordre et la méthode. Celle de Freinet qu’Elsa a adaptée à sa façon pour la propager au collège. Résultat, six autres profs en maths, langues vivantes, sciences l’ont rejointe pour faire cours autrement. Par des projets montés par les élèves, des heures de travail individualisé durant lesquelles ils bossent en groupes pour s’avancer dans leurs devoirs. Et selon cette enseignante, la méthode est payante. «En s’aidant les uns et les autres, en expliquant des exercices, on les maîtrise mieux. »
« Les élèves bien plus productifs »
L’autre impact, c’est l’ambiance en classe qui est à l’entente totale. Aucun conseil de discipline ni élève perturbateur épinglé depuis la rentrée. Mais des petits collégiens à l’aise, qui prennent la parole, savent argumenter. « A l’oral comme à l’écrit, ils sont bien plus productifs et les notes suivent », pointe Elsa. Et les élèves, qu’en pensentils? « Au début, je n’étais pas contente d’être là. C’était la classe informatique que je voulais, avoue Marie-Georges, 11 ans. Mais plus maintenant, c’est trop bien ! » Kenzo, lui, n’aimait pas l’école avant. «J’avais trop de problèmes avec les élèves. » Selon Elsa, cet enfant turbulent s’est assagi, a trouvé des copains et sa place dans cette classe coopérative qui se poursuivra , en 5e l’an prochain.