Toujours sur les traces de Jules…
C’est un guide qui ne le quitte jamais. Qui l’aide à avancer. Chaque jour. Chaque tour. Comme Hervé Leclerc, le père modèle trop tôt disparu l’an dernier, Jules Bianchi a tenu un rôle essentiel dans l’ascension et la réussite de Charles. « Lui et moi, nous sommes aujourd’hui deux orphelins de la profonde histoire d’amitié unissant nos familles », confie Philippe Bianchi. Présent ce week-end pour commenter la F au micro de Monaco Info, le papa inconsolable du pilote Marussia brutalement fauché dans l’exercice de sa passion au tragique tournant du Grand Prix du Japon se souvient parfaitement du baptême de piste du digne rejeton de son copain Hervé, chez lui, sur le tracé de Brignoles. « Charles avait ans, Jules était présent. Vous savez, il y a des détails qui ne trompent pas quand on voit un gamin s’élancer. Même envie, même obsession : il voulait rouler tout le temps, plus loin, plus vite. Bref, il m’a fait la même impression que Jules à ses débuts. » en Minikart. Il l’accompagnait sur les circuits dès que possible. Il le considérait comme son cousin, avait à coeur de l’aider à gravir les échelons. » Jusqu’à souffler son nom à Nicolas Todt, le manager clairvoyant qui se félicite aujourd’hui de l’avoir convié à s’engager sur le même tremplin, avec la Ferrari Driver Academy (voir ci-contre).
Philippe Bianchi : « Charles a repris le flambeau »
« Charles s’est inspiré du comportement de Jules », poursuit Philippe Bianchi. « Mieux, il s’en est imprégné. Regardez-le, parlez-lui, c’est fou ce qu’il lui ressemble, tout en ayant sa propre personnalité. En fait, on l’apprécie parce qu’il possède les mêmes qualités : simple, humble, disponible, souriant, travailleur, déterminé… » L’un et l’autre nourrissaient d’ailleurs une seule ambition. Voir leurs trajectoires respectives se rejoindre un jour en Formule . « Ils disaient ça en rigolant. Mais ils y pensaient sérieusement. Hervé et moi aussi, nous nous imaginions assis côte à côte en tribune pour les regarder s’affronter. Je lui avais même balancé une fois : “Si jamais Jules et Charles s’accrochent en piste, on ne s’engueulera pas, hein ?” » Le destin, hélas, en a décidé autrement. « Là-haut, sur leur nuage, Hervé et Jules ont dû être très fiers de voir Charles réaliser une course aussi brillante l’autre jour à Bakou. Et moi, demain (aujourd’hui), sûr qu’un frisson me traversera le corps quand je le verrai vivre à fond son premier Grand Prix de Monaco. Jules est parti, mais Charles suit ses traces, encore et toujours. Il a repris le flambeau et j’espère qu’il le portera très haut. » Aux commandes de la société All Road Management depuis , Nicolas Todt a aidé Felipe Massa, Sébastien Bourdais, Pastor Maldonado et Jules Bianchi à gravir les échelons jusqu’à la F avant de favoriser l’éclosion de Charles Leclerc.
Nicolas, qu’allez-vous ressentir en voyant Charles prendre le départ de son premier Grand Prix de Monaco ?
Pour moi, c’est un sentiment de fierté qui va primer. Quand j’ai croisé la route de Charles, en , il avait ans. Il évoluait en karting. Voilà, disputer cette grande course à domicile, c’est un cap important. Monaco, également, attend cela depuis
‘‘ vingt-quatre ans. La Principauté ne compte pas beaucoup de sportifs qui rayonnent au niveau international. Je sais que le prince Albert II a suivi l’ascension de Charles. Lui aussi sera content de le voir réaliser l’un de ses rêves de pilote.
Pourquoi avez-vous un jour décidé de l’aider?
Les familles Bianchi et Leclerc étant très liées, c’est Jules qui me l’a présenté. Nous nous sommes rencontrés avec son papa, Hervé, qui n’est malheureusement plus là aujourd’hui. À l’époque, il enchaînait de belles performances en kart. Mais pour aller plus loin, plus haut, il manquait l’essentiel : le nerf de la guerre. Sa personnalité et son talent m’ont touché, alors j’ai décidé de lui donner sa chance. Aujourd’hui, on peut dire qu’il s’agit d’un bon choix. En kart comme en monoplace, il ne m’a jamais déçu. Et j’espère que l’on ne va pas s’arrêter là…
Jules était le parrain sportif de Charles, son modèle. Qu’a-t-il hérité de lui ?
Parfois, lorsque je l’écoute parler, j’ai l’impression d’entendre Jules. Il y a les mots, mais aussi une certaine gestuelle. Des similitudes incroyables… Après, Charles a un caractère différent. Mais il possède la même détermination, cette envie féroce de vaincre que j’ai rarement vu aussi forte chez d’autres pilotes. S’il passe à côté d’un succès qui lui tend les bras, il peut en chialer. Pareil pour Jules à l’époque…
Quand avez-vous pris conscience que Charles pourrait faire carrière en F ?
Il y a des courses qui marquent les esprits. Par exemple, en F, sous la pluie, à Hockenheim, où il atomise des adversaires bien plus chevronnés. En fin de saison, à Macao, sur un tracé ô combien difficile qu’il découvre, Charles réussit aussi une démonstration exceptionnelle (e, NDLR) .S’ilyadeuxou trois tours de plus, il gagne ! Et puis sa saison en F est jalonnée de coups d’éclat révélateurs. À Bahreïn, il s’impose d’entrée malgré un arrêt au stand supplémentaire. À Monaco, son père est très malade mais il décroche la pole. Et quelques jours après sa disparition, à Bakou, il réagit en réussissant une performance hallucinante compte tenu du contexte : pole et victoire.
Sa force numéro , c’est ce mental inoxydable ?
Oui. Il arrive à zapper tout ce qui l’entoure. Il s’isole dans une bulle, se concentre à fond sur son objectif sans penser au reste. Bref, il sait se sublimer sous la pression. À mes yeux, c’est la marque des grands champions. Regardez Cristiano Ronaldo, Roger Federer. Ils sont souvent présents dans les moments décisifs. Finale, cinquième set…
L’écurie Alfa Romeo Sauber dirigée par Frédéric Vasseur constitue la structure idéale pour faire ses armes en F, non ?
Certainement. Il ne s’agit pas d’un saut dans l’inconnu. Charles a pu prendre ses marques l’an dernier en enchaînant plusieurs séances d’essais. Il connaît bien Fred Vasseur. Et puis c’est Ferrari qui a choisi cette voie pour lui. Donc il y a beaucoup de paramètres réunis pour qu’il se sente à l’aise. Maintenant, à lui de faire le job.
Qu’attendez-vous de lui cette saison ?
Pas des miracles ! Là, franchement, vous ne pouvez pas lui demander de marquer des points chaque dimanche de course au volant d’une Sauber. Par rapport à la F, la marche est haute. Il est en train de découvrir un autre monde. Donc il doit d’abord apprendre. Mais aussi savoir saisir l’occasion de se mettre en évidence quand celle-ci se présente. À Bakou, où le pilote tenait un rôle plus important qu’ailleurs, il a répondu présent. D’autres opportunités viendront. Peut-être dès maintenant, à Monaco.
De nombreux observateurs le voient piloter une Ferrari en . Et vous ?
Aujourd’hui, Charles n’a qu’un seul but : réussir sa première saison en F. Rouler pour Ferrari, OK, c’est l’un de ses rêves. Comme devenir champion du monde. S’il fait partie de la Ferrari Driver Academy, c’est qu’on compte sur lui à Maranello. Mais bon, après cinq courses, inutile de tirer des plans sur la comète. Laissons-le tracer sa route.