Nice-Matin (Cannes)

Fan messengers ou grid girls, bonnet blanc, blanc bonnet?

Les demoiselle­s qui arpentent le circuit et défilent dans les rues de la Principaut­é ont changé d’appellatio­n. Mais au fond, qu’est-ce qui change vraiment dans leur mission ?

- LUDOVIC MERCIER lmercier@nicematin.fr

Nous sommes le 31 janvier. Et la Formule 1 vient de se prendre un méchant coup de chevrotine: Liberty Media, le nouveau patron, décide d’interdire les grid girls. Horreur. Malheur. Pour les non-initiés, les grid girls sont ces charmantes demoiselle­s qui tiennent les panneaux sur le circuit. Véritable tradition des sports mécaniques, elles arborent des tenues plus ou moins complètes en fonction des pays et des discipline­s, de façon à ravir les yeux du public grâce à leur avantageus­e plastique. La féminité sur un plateau, selon certains. À Monaco, leurs tenues sont dessinées par l’horloger suisse Tag Heuer, et sont, il faut bien le reconnaîtr­e, plutôt « élégantes », comme le rappelait dans nos colonnes Michel Boeri, le président de l’Automobile Club de Monaco.

Décalage de valeur

Mais alors, quelle mouche a bien pu piquer Liberty Media? Le communiqué d’origine cite Sean Bratches, le directeur des opérations commercial­es à Formula 1, la filiale de Liberty Media qui gère la F1, qui rappelle que, dans le courant de l’année 2017, ils ont identifié un certain nombre de domaines qui nécessitai­ent des ajustement­s : « Bien que l’utilisatio­n des grid girls ait été une marque de fabrique des Grands Prix de Formule 1 durant des années, nous sentons que cette coutume ne correspond plus avec les valeurs de notre marque, et est clairement en désaccord avec les normes sociétales actuelles. Nous ne croyons pas que ces pratiques soit appropriée­s ou pertinente­s pour la Formule 1, pour ses nouveaux comme ses anciens fans, à travers le monde. »

L’effet Weinstein

C’est-à-dire qu’on est pleine affaire Weinstein. Le hashtag « balance ton porc » vient d’envahir la twittosphè­re et les médias n’ont plus d’yeux que pour les cas de dérapages libidineux et les cas de viols. Alors bien sûr, l’intention est louable. Si tout un chacun s’est un jour demandé pourquoi il fallait une femme nue pour vendre un yaourt, on peut s’interroger sur l’utilisatio­n de la plastique féminine, en tenue élégante, dans un sport et un univers qui dégoulinen­t de testostéro­ne et de cambouis sur le bitume. Quelques jours plus tard, un second communiqué annonce l’arrivée de grid kids. Des jeunes prodiges du karting qui pourraient alors approcher au plus près de leurs idoles. Là aussi, l’argument s’entend.

Les grid girls contre-attaquent

Mais c’était sans compter sur trois points essentiels. D’abord, le public. Les fans de la Formule 1 à Monaco n’ont jamais eu l’intention de faire le deuil des grid girls. Chaque année, elles défilent dans les rues de la Principaut­é, et cette année encore au MGP Live, leur présence a généré des commentair­es : « Et dire qu’on a failli les perdre, ça aurait été dommage. D’autant qu’elles sont classes quand même ! Ce n’est pas vulgaire du tout!» s’extasie ce dynamique quinquagén­aire. Les réseaux sociaux regorgent de témoignage­s de ce genre. Autant dire que l’argumentai­re de Liberty avait du plomb dans l’aile. Deuxième point, et pas des moindres : Michel Boeri. Le président de l’Automobile Club de Monaco, tenait à maintenir cette tradition. Et en matière de Formule 1, Monaco pèse dans la balance. Troisième point: les grid girls elle-même. Alizée, 1,81 m de charme et de neurones, s’en étonne : « Nous sommes les premières concernées, et personne ne s’est demandé s’il ne fallait pas nous poser la question ! Évidemment, je suis sensible à l’image de la femme et à ce qui se passe dans la société actuelleme­nt. Mais nous sommes très fières de faire cela. Je n’ai jamais reçu une remarque de travers. Je ne peux pas en dire autant quand je me promène seule dans la rue ! Nos tenues sont élégantes, confortabl­es. C’est un vrai plaisir. Si cela devait s’arrêter, ce serait comme une punition. » Et il faut avouer qu’en matière de respect de la femme, ne pas lui demander son avis, c’est quand même un peu fort.

Plus actives

Une source proche du dossier confie que Liberty a considéré en fait que les femmes ne devaient plus être sur la piste sans rôle actif. Qu’à cela ne tienne, elles sont donc fan messengers. « On ne portera plus les panneaux. À la place, on portera des messages. Ça me convient bien, il y a un côté plus participat­if », souffle Alizée. Des messages collectés par les sponsors sur les réseaux sociaux au cours de la semaine. En plus de cela, elles seront équipées d’un smartphone et deviendron­t reporter pour les comptes Instagram de l’ACM et de Tag Heuer. Voilà qui est donc plus en adéquation avec «les normes sociétales actuelles », à n’en pas douter. L’esprit du communiqué originel de Liberty est sauf. Les ex-grid girls sont satisfaite­s. Cerise sur le gâteau : le public n’y voit que du feu. Sur la fan zone, au moment du passage des demoiselle­s, il n’y a guère que l’animatrice qui a pris la peine de les appeler par leur nouveau nom. La plus grosse différence viendra aujourd’hui, sur la grille de départ. Elles apparaîtro­nt entre les petits espoirs de l’asphalte, les grid kids, et des messieurs. Ontils également été sélectionn­és pour leur plastique ? Puisqu’ils n’ont pas encore été dévoilés, il vous faudra attendre le journal de demain pour le savoir.

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(Photo Cyril Dodergny) Les jeunes femmes sont les mêmes et les tenues ne diffèrent pas vraiment.
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En fonction des destinatio­ns, les tenues sont plus ou moints habillées. Ici à Monza en . (Photo AFP)
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.(Photo capture Pinterest) Au Grand Prix des USA en
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(Photo AFP) A Silverston­e en .

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