Il est libre, Gérard
Et si le vent de fraîcheur de ce gouvernement si lisse et si avare en couacs venait en fait de son doyen ? A quelques jours de ses soixante et onze printemps, Gérard Collomb multiplie sorties et saillies. Sa petite phrase, mercredi au Sénat, sur les migrants qui feraient du « benchmarking », comparant les différents pays pour choisir ceux qui présentent les législations les plus avantageuses , a fait illico pousser des cris d’orfraie à une partie de la gauche, jusqu’à François Hollande, et provoqué l’embarras de certains de ses collègues marcheurs. En brandissant il y a quelques jours un « joker » au sujet de la limitation à km/h, le ministre de l’Intérieur a fait s’étrangler Edouard Philippe. Toujours ce mois-ci, le premier flic de France n’a pas hésité à suggérer une forme de « complicité » entre manifestants et casseurs. Pas très politiquement correct... Incorrigible gaffeur ou maladivement maladroit, Gérard Collomb ? Sûrement pas. L’ex-maire de Lyon profite des avantages du statut à part dont il jouit auprès du président de la République. Premier grand élu à s’être mis en marche derrière Emmanuel Macron à la rentrée , Gérard Collomb a été l’un des plus précieux artisans de sa conquête du pouvoir. Fasciné par « le charisme et la vision du monde » de l’ex-ministre de l’Economie, il s’est investi sans compter, au point de verser une larme de joie le jour de l’investiture de son champion à l’Elysée. Après avoir attendu un maroquin pendant des années et même vu, humiliation suprême, deux de ses adjoints, Najat Vallaud-Belkacem et Thierry Braillard, lui griller la politesse, Gérard Collomb est devenu fort logiquement numéro deux du gouvernement. Trop vieux ? Pas assez bon en com’ ? Trop fatigué ? Trop provincial ? « Gégé » se contente d’être luimême. Aux antipodes de certains de ses prédécesseurs, notamment Valls et Sarkozy, hyperactifs à Beauveau, Collomb suit un rythme lent, en phase avec son ton monocorde et son timbre nasillard. Cela n’empêche pas l’ancien socialiste de tenir une ligne de fermeté qui hérisse à gauche et séduit de plus en plus à droite. L’homme de la loi asile-immigration et de la circulaire sur le recensement des migrants ne donne pas dans le tiède. Car au contraire des trentenaires de la team Macron et des ministres de la société civile en mal de nororiété, Gérard Collomb n’a plus rien à prouver. Celui que le maire de Villeurbanne qualifie de « Don Corleone » ne fait plus de concessions depuis bien longtemps. « Je ne suis pas un courtisan. Quand je ne suis pas d’accord, je le dis », se plaît-il à répéter. Du « joker » pour le km/h au « benchmarking » inspiré d’une terminologie marketing chère à Emmanuel Macron, le tonton flingueur du Rhône ne manque pas une occasion de dégainer des formules qui font mouche dans l’opinion. On en viendrait presque à se demander, finalement, si ce proche parmi les proches du chef de l’Etat n’agit pas en service commandé.
« Le tonton flingueur du Rhône ne manque pas une occasion de dégainer des formules qui font mouche dans l’opinion. »