Nice-Matin (Cannes)

Festival du livre

Salle comble, hier matin, à l’opéra de Nice, où quatre-vingts participan­ts se sont livrés à au périlleux exercice de la dictée dirigé par Julien Soulié et par l’écrivain Laurent Seksik

- LAURENCE LUCCHESI llucchesi@nicematin.fr

Dix heures cinquante, opéra de Nice. Sous les ors du Foyer des mécènes, au troisième étage, les derniers participan­ts à la Dictée pour les nuls se hâtent de prendre place sur les sièges équipés de tablettes. Quatrième du nom, ce petit morceau d’anthologie du festival du livre de Nice est particuliè­rement en adéquation, cette année, avec le thème de l’édition 2018 : Pourquoi écrire. Destiné aux amateurs comme aux experts, (enseignant­s, auteurs et… journalist­es), cet exercice, avant tout «ludique et axé sur la découverte, célèbre la langue française», rappelle Julien Soulié. Auteur de livres sur l’orthograph­e et expert au sein du projet Voltaire (site numéro 1 de la remise à niveau en orthograph­e), cet ex-professeur de lettres classiques est notre «tortionnai­re» du jour.

«Friedrich de Nice»

C’est lui qui a concocté, avec moult pièges comme il se doit, une dictée au titre évocateur : Friedrich de Nice ! Histoire d’accentuer une fébrilité déjà palpable dans l’assistance, c’est Laurent Seksik, romancier et grand amoureux de la langue de Molière devant l’Éternel, qui en fait une première lecture. Avant que la dictée elle-même soit orchestrée par Julien Soulié : « Nul ne doute qu’on ne voie en Nice un éden : son ardent orbe solaire, ses plages aux galets gris-blanc qu’ont léchées de tout temps les flots bleu azur…» A en juger d’après les réactions des quelque 80 «candidats», âgés de 15 à 84 ans, point de difficulté jusque-là, à l’exception, peut-être, du terme «orbe», ce phénomène optique relativeme­nt peu connu des néophytes. Mais les choses vont bien sûr se corser : « Dans les années dix-huit cent quatre-vingt, un certain Friedrich, quadragéna­ire déjà égrotant, cherche à apaiser sa mélancolie ; las, l’acédie le dit lassé [...]» .La perplexité gagne la salle : Stupeur et tremblemen­ts ,aurait sans doute commenté Amélie Nothomb ! Si la «coruscante lumière» et «l’obscur mésaise» font encore sourire les plus érudits, tandis que d’autres ont définitive­ment décroché, le paragraphe réservé aux experts, lui, s’avère redoutable pour tous : «Il ne suit alors aucunes brisées de ses devanciers : au commenceme­nt du moi, l’aperceptio­n transcenda­ntale d’un Kant aride ne fait plus mouche !» On notera au passage l’habile associatio­n d’idées destinée à nous aiguiller plutôt vers la mouche cantharide que vers un autre célèbre philosophe allemand… Au final, lors de la remise des prix, hier, à 18h30, au forum des auteurs, se sont distingués au sortir cette délicate épreuve : Jacques Lagarrigue (1er, 7 fautes), Muriel Gornès (2e, 17,5 fautes) et Ghislaine GallandLal­vée (3e, 29,5 fautes). Toutes nos félicitati­ons également aux lauréats qui ont remporté, outre l’estime générale, des ouvrages des éditions First et de la collection Pour les nuls… Quant à ceux, parmi nos lecteurs, qui voudraient s’essayer à ce périlleux exercice, notez que le corrigé de La dictée pour les nuls sera mis en ligne dès demain sur le site du festival du livre de Nice.

 ?? (Photos Frantz Bouton) ?? C’est l’écrivain Laurent Seksik, auteur notamment des Derniers jours de Stefan Zweig, lecture aux candidats, âgé de  à  ans, de cette dictée truffée d’astuces. qui a fait la première
(Photos Frantz Bouton) C’est l’écrivain Laurent Seksik, auteur notamment des Derniers jours de Stefan Zweig, lecture aux candidats, âgé de  à  ans, de cette dictée truffée d’astuces. qui a fait la première

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