La «révolution» de la protection sociale selon Emmanuel Macron
Emmanuel Macron a mis en avant des solutions «plus efficaces que de l’argent mis sur la table» .Le président de la République a dévoilé, hier lors d’un discours devant le 42e congrès de la Mutualité française à Montpellier, les grandes lignes d’«une révolution» de la protection sociale avec, toujours à l’esprit, une volonté de faire des économies. Voici les trois actions phares qu’il compte mener à bien.
Pour dénoncer un système « trop complexe» et « peu humain », le chef de l’État a pris l’exemple du RSA, soutenant de manière assez brutale que s’il avait augmenté ces dix dernières années de 80 %, l’accompagnement de ses bénéficiaires avait baissé dans le même temps de 40 % « en termes de dépense ». Or, a-t-il argumenté, il faut au contraire renforcer l’«accompagnement vers le travail». Donc «contrôler» et « responsabiliser » ceux qui ont eu le réflexe de « s’installer dans une forme d’exclusion ». Accompagnés, « ils aideront la collectivité à dépenser son argent vers les plus vulnérables ».
Le Président va s’attaquer à un chantier d’ampleur pour faire face au vieillissement de la population, dont le coût a déjà fait reculer plus d’un gouvernement. Sa botte secrète ? Une loi sur le financement de la dépendance avant la fin 2019. « Il nous faut construire un nouveau risque, répondre à cette nouvelle vulnérabilité sociale qu’est la dépendance », a-t-il plaidé. Car les chiffres et les prévisions restent implacables : d’ici à 2050, la France comptera près de 5 millions de plus 85 ans, contre 1,5 aujourd’hui. Face à ce choc démographique, les dépenses liées à la dépendance, estimées aujourd’hui à près 30 milliards d’euros annuels (24 milliards d’euros en dépenses publiques, le reste reposant sur les ménages), pourraient exploser. Emmanuel Macron s’est également félicité de l’aboutissement d’une promesse de campagne. Il s’agit du remboursement intégral de certaines lunettes, prothèses dentaires et audioprothèses, évoquant « une conquête sociale essentielle ». « Nombre de nos concitoyens, présentant des pathologies simples, doivent renoncer à se soigner», a-t-il expliqué. Il entend ainsi mettre en place une mesure progressive, d’ici au 1er janvier 2021, avec un « reste à charge zéro » (RAC zéro). Cela signifie que les patients n’auront rien à débourser. L’argent ? Le pèze ? Le flouze ? Finalement, il a choisi le mot pognon. Quand Emmanuel Macron s’invite hier à l’heure du petit-déjeuner sur tous les réseaux sociaux, il s’autorise un sacré écart de langage pour un président de la République : « On met un pognon dingue dans les minima sociaux et les gens ne s’en sortent pas ». Il ne parle pas depuis le bistrot de l’Élysée. L’image n’est pas volée, mais largement diffusée par sa propre directrice de la communication. Le timing est minutieusement choisi : marquer les esprits d’un maximum de Français avant de monter, quelques heures plus tard, à la tribune du congrès de la Mutualité française. Pour enfoncer le clou. « La solution n’est pas de dépenser toujours plus d’argent. » L’offensive com est rondement menée. Elle ne cible pas particulièrement les allocataires du RSA. Le propos est plus large. Le premier objectif, et pas le moindre, est de financer l’une des plus belles promesses de candidat Macron : offrir une paire de lunettes, un dentier ou une prothèse auditive, à tous ceux qui en ont besoin ou presque, sans débourser le moindre centime. Difficile d’évaluer le montant de l’opération, mais il y a en a pour des centaines de millions. La Sécurité sociale a beau avoir retrouvé son équilibre financier après dix-sept années de déficit ininterrompu, il ne faudrait pas la replonger dans le rouge : elle ne supportera donc qu’une partie de l’effort. Emmanuel Macron compte sur les fabricants mais aussi sur les mutuelles pour prendre le reste de la dépense à leur charge, sans augmenter les cotisations. Résultat : l’État, donc le contribuable, ne dépenserait pas plus de... pognon, mais il y aura forcément quelqu’un, peut-être l’assuré, qui devra payer la facture.