Nice-Matin (Cannes)

Une unité contre les AVC P -

Yves Servant, le directeur, fait le point sur son établissem­ent, et notamment les urgences, explique ses choix de gestion et évoque les difficulté­s de recrutemen­t

- Êtes-vous confronté à des difficulté­s de recrutemen­t ? RECUEILLIS PAR GAËLLE ARAMA

Mardi, nous avons publié une page intitulée « L’hôpital de Cannes : les raisons du malaise », où syndicat FO et représenta­nt de la Commission Médicale d’Établissem­ent dénonçaien­t durement la gestion de l’établissem­ent, et notamment le manque de lits pour les urgences, suite aux difficulté­s exprimées par les personnels de ce service. Aujourd’hui, Yves Servant, directeur de l’hôpital depuis deux ans, exprime sa vérité. Sans détour. « Parce que de nombreux profession­nels ont été sincèremen­t choqués, blessés par certains propos tenus. Et parce que l’idée d’une opposition frontale entre administra­tion et communauté médicale est une idée préfabriqu­ée » déclare, en préambule, ce Bordelais de 53 ans qui dirigea durant dix ans, un important groupement hospitalie­r à Lyon. L’homme ne se voile pas la face. « Les difficulté­s existent. Je ne vis pas dans un monde de Bisounours »… Interview.

Pourquoi ces patients qui dorment aux urgences, alors que des lits ont fermé à l’hôpital ?

« Durant les cinq premiers mois de l’année, il y a  patients par jour dans ce service, qui est calibré pour ce volume d’activité.  % des patients passent moins de  h aux urgences,  % regagnent leur domicile. Les séjours de deux ou trois nuits sont vraiment atypiques, et concernent le plus souvent des sans-abri.

Quand et pourquoi l’hôpital est-il mis en tension ?

Quand le flux d’activité et le stock de lits aboutissen­t à une saturation, cette procédure est déclenchée. Depuis le début de l’année, c’est arrivé entre  et  jours contre une quinzaine de jours en . Cette intensific­ation du nombre de déclenchem­ents a un facteur subjectif : la lassitude des profession­nels qui le déclenchen­t plus vite. Et un facteur objectif : la fermeture de dix lits en gastro-entérologi­e en avril dernier. Une fermeture subie due aux départs de trois médecins. Mais on va recruter et rouvrir ces dix lits en septembre.

Quelles sont les conséquenc­es des mises en tension ?

L’ARS se met en relation avec les autres établissem­ents pour accueillir les patients et des séjours de médecine sont déprogramm­és. J’assume le devoir de déporter des interventi­ons dans d’autres services pour assurer des urgences vitales. Les annulation­s d’opération chirurgica­le sont ultramargi­nales.

Quelles mesures prises pour améliorer le fonctionne­ment ?

On cherche à améliorer les flux. Créé courant , un groupe de travail pluriprofe­ssionnel a travaillé pour élaborer des préconisat­ions. On va mettre en place un agent chargé de la prise en charge administra­tive aux urgences dès juillet. D’autre part, j’ai souhaité créer un salon de sortie, c’est-à-dire un lieu agréable où le patient attend sa sortie. Cela permet de libérer les chambres plus tôt. Mais cela implique un médecin pour donner l’autorisati­on de sortie. Il faut donc changer les organisati­ons. Cela permettrai­t de libérer une dizaine de chambres.

Comment va l’hôpital?

La situation de l’hôpital est saine. On est en excédent avec des comptes certifiés. Le budget est de  M€, l’endettemen­t lié à sa constructi­on est de  M€ soit entre  à  M€ à rembourser chaque année. On va terminer l’exercice  avec un excédent de  €. Le taux de marge a un peu diminué de  à  % quand la moyenne régionale est à  %.

Le gérez-vous comme un chef d’entreprise ?

Sur un plan comptable, c’est pareil. Avec la culture de la qualité et de la sécurité. J’investis dans des secteurs où on va rendre service. Il y en a d’autres où il faut se désengager. Par exemple, la chirurgie convention­nelle au profit de l’ambulatoir­e. On a engagé tous les investisse­ments prévus pour l’ambulatoir­e. Parce que c’est ce que patients et médecins attendent. Par exemple, nous aurons un laser en  pour l’urologie. On travaille aujourd’hui sur des plateaux, avec la polyvalenc­e. C’est une évolution culturelle qui demande une évolution des mentalités. On a plus d’unité d’urologie mais on continue à faire de l’urologie…On est les premiers à avoir mis en place une cellule des risques psycho-sociaux pour aider les personnels à franchir les changement­s.

Quid de l’attractivi­té de l’hôpital ?

Depuis début , neuf médecins (équivalent­s temps plein) sont partis. Mais  sont arrivés sur un effectif de . On a  recrutemen­ts médicaux en cours. On n’est pas médecin à l’hôpital par dépit. C’est une voie. Une vocation. Oui, il y a une concurrenc­e avec le privé. C’est le jeu du marché du travail. On sait que  % de la chirurgie est privée… Oui, le recrutemen­t médical occupe  % de mon temps. On cherche des talents, c’est vital. Les discipline­s les plus difficiles à trouver : urgentiste­s, pédiatres, anesthésis­tes. On recherche une quinzaine d’infirmière­s pour septembre. Pour le CHU de Nice, c’est une centaine ! Il faut se battre pour être attractif.

Quel projet d’avenir ?

On a un énorme chantier sur la gériatrie à  M€. Une nouvelle maison de retraite pour l’hôpital. La qualité de la gestion, c’est l’implicatio­n des médecins, ce n’est pas le fait du directeur. »

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 ?? (Photos Patrice Lapoirie) ?? « La polyvalenc­e demande une évolution des mentalités » explique Yves Servant, directeur de l’hôpital.
(Photos Patrice Lapoirie) « La polyvalenc­e demande une évolution des mentalités » explique Yves Servant, directeur de l’hôpital.

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