Rendez-nous de Gaulle !
Un journaliste ne devrait pas dire ça, sauf à cracher sur son gagne-pain. Ni la carte de presse ni la reconnaissance du ventre n’interdisent cependant la lucidité. Et l’acrimonie s’aiguise forcément quand on mesure à quel point les puissants nous baladent, nous orientent, bref se jouent de nous au gré de leurs mises en scène. Dernier épisode en date, cette vidéo élyséenne négligemment balancée mercredi sur les réseaux sociaux. La formule « pognon de dingue » a beaucoup fait gloser, caillou dans la bouche supposée policée d’un président de la République. Mais là n’est pas l’essentiel. Il réside davantage dans la façon dont on tient le citoyen pour un fieffé couillon, en faisant mine de l’inviter au coeur du pouvoir, dans une intimité factice qui soulève le coeur. Cet art des « faux moments vrais », Emmanuel Macron en use et en abuse. Si l’on en croit le document consacré mercredi par France à Brigitte Macron, il l’a largement apprivoisé pour capitaliser sur son couple durant la campagne. Sûr qu’il pourrait donner d’utiles conseils en la matière à Laurent Wauquiez, qui continue de payer très cher un moment d’égarement devant les étudiants lyonnais, qui pour le coup n’était pas feint. Ou alors c’est une jolie catastrophe industrielle. Macron n’est certes pas le premier à ériger la com en vertu souveraine. D’autres ont épuisé le modèle avant lui. Y compris… de Gaulle, dont les savoureuses conférences de presse étaient beaucoup plus travaillées qu’il n’y paraît. Les sorties jubilatoires sur la chienlit, le volapük ou les sauts de cabri n’avaient, sans doute, rien d’improvisé. Mais le petit théâtre gaullien, parce qu’il était rare, exhalait quand même une autre saveur.