Nice-Matin (Cannes)

L’ermitage de Saint-Cassien: un lieu au riche passé historique

- CORINNE JULIEN BOTTONI

Histoire de faire la part belle à notre patrimoine local, dans les terres comme sur la frange littorale. Patrimoine historique si riche et souvent trop bien caché. L’occasion aussi de faire ressurgir les souvenirs enfouis de nos ancêtres. Un récit hebdomadai­re méticuleux de Corinne Julien-Bottoni, passionnan­te historienn­e et guide conférenci­ère depuis  ans à Cannes, Grasse et même Fréjus. Un rendez-vous agrémenté de clichés anciens présentés en miroir avec une photo du site actuel.

Àune lieue de Cannes, dans la direction de l’Ouest, on rencontre, au milieu de la plaine de Laval, un petit mont, couronné de beaux arbres, connu dans la contrée par le romérage du 23 juillet, fête de Saint-Cassien dont il porte le nom.» Cette descriptio­n rédigée par l’abbé Alliez, en 1860, dans son histoire de Cannes et des rivages environnan­ts, évoquait l’importance du sanctuaire, lieu de pèlerinage très fréquenté par les habitants d’alors. En 1895, le guide touristiqu­e Conty incitait les visiteurs à découvrir cette chapelle en prenant l’omnibus qui partait alors du Cours et conduisait à La Bocca. Il fallait débourser 30 centimes pour effectuer ce parcours de quatre kilomètres. Le sanctuaire s’élève sur l’ancienne butte d’Arluc. Un camp retranché romain existait alors, chargé de surveiller la voie aurélienne qui reliait l’Italie à l’Espagne. On y trouvait un temple de Vénus, ara Luci ou autels du bois sacré, d’où le nom d’Arluc, qui perdura longtemps. Le temple fut détruit en 447. Un monastère de religieuse­s le remplaça, construit par Hélène, princesse de Riez, et agrandi par Saint-Aygulf, abbé de Lérins en 677. En 944, le monastère passa sous le joug de Montmajour d’Arles, puis devint une propriété de Cluny en 979. Sainte-Maxime y séjourna quelque temps avant d’aller fonder celui de Callian. Au XIVe siècle, des moines érigèrent la chapelle à laquelle fut adossé un prieuré. L’ermitage actuel date de 1675. Entouré de cyprès séculaires, de pins et autres chênes majestueux, l’endroit est un havre de fraîcheur et de calme. Une allée ombragée conduit au lieu cultuel dont l’entrée est abritée par un porche. Ses trois arcatures en plein cintre offrent une architectu­re très élancée. Des débris de murailles calcinées, des tombeaux, sculptures, poteries, et autres monnaies romaines y furent découverts. L’incendie d’Arluc au VIIIe siècle entraîna une reconstruc­tion du village au bord de la mer, près du hameau de la Roubine. Les alluvions recouvrire­nt peu à peu les vestiges. À la Révolution, le bien ecclésiast­ique de nouveau une propriété de l’abbaye de Lérins. À l’image des autres biens du clergé, il fut mis en vente lors d’enchères publiques, comme bien national. S’élevant contre cette adjudicati­on, le maire de l’époque, JeanCharle­s Hibert démissionn­a, suivi de plusieurs membres de son conseil municipal qui l’accompagnè­rent derechef. Le 1er avril 1791, jour de la vente, quelque deux cents Cannois se rendirent à Grasse. Devant leur attitude menaçante, aucun habitant de la ville des Parfums n’osa lever la main pour surenchéri­r. Les Cannois acquirent l’ermitage pour 2 500 livres. Quelque temps plus tard, les objets liturgique­s que des personnes prévoyante­s avaient mis à l’abri, réintégrèr­ent la chapelle. Le maire et ses adjoints démissionn­aires furent aussitôt réélus.

 ?? (Photo P.L.) ?? Aujourd’hui : la chapelle Saint-Cassien.
(Photo P.L.) Aujourd’hui : la chapelle Saint-Cassien.
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Hier : l’ermitage, un lieu vénéré des Cannois.
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