Nice-Matin (Cannes)

Affaire Pastor : révélation­s choc d’un détective privé

Nice-Matin révèle le témoignage de Patrick Boffa, détective privé. Pour la première fois, on apprend qu’il a enquêté sur le gendre d’Hélène Pastor, assassinée en 2014, durant 24 ans,

- GRÉGORY LECLERC gleclerc@nicematin.fr

On pensait avoir tout dit, tout écrit sur l’affaire Pastor. Du nom de cette multi-milliardai­re monégasque de 77 ans tombée dans un véritable guet-apens, à Nice, le 6 mai 2014. Touchée de plusieurs balles dans sa voiture, alors qu’elle sortait de l’hôpital l’Archet à Nice, Hélène Pastor décédera quelques jours plus tard, comme son chauffeur. Depuis, la justice suspecte son gendre, Wojciech Janowski, d’être le commandita­ire de l’assassinat. Son procès et celui de ses complices présumés se tiendra du 17 septembre au 19 octobre devant la cour d’assises à Aixen-Provence. Hélène Pastor nourrissai­t de sérieux doutes sur son gendre. Elle avait approché un détective privé. Ce qu’on ne savait pas, c’est que ce privé, Patrick Boffa, 62 ans, a enquêté pour son compte durant... 24 ans sur Janowski : à partir de 1990, jusqu’en 2014. Pas en permanence, mais de manière régulière, au gré des demandes de la milliardai­re. Ce qui éclaire l’affaire d’un jour nouveau, celui de la terrible suspicion d’une mère. Installé à Beausoleil, Patrick Boffa a accepté de parler pour la première fois. S’il se met à table, à moins de trois mois du procès, c’est qu’il veut remettre les pendules à l’heure. «Dès le premier jour, juste après la fusillade, je suis intervenu afin de déclarer aux autorités mes doutes, et ceux de Madame Pastor, sur son gendre. Hélène Pastor m’avait dit, s’il lui arrivait quelque chose, de parler, de montrer ces rapports.» Patrick Boffa a également été choqué par l’interview que Wojciech Janowski a donnée depuis sa prison des Baumettes (nos éditions du 24 février 2018) .« C’est la raison pour laquelle je suis présent auprès de vous pour dire la réalité des choses.» Le détective nous a apporté toutes les preuves de ses déclaratio­ns, ses rapports, les chèques attestant qu’il était bien employé au titre de détective pour le compte de Madame Pastor, les cartes postales qu’il échangeait avec elle. Au lendemain de la fusillade, dossier sous le bras, il a été entendu par la police judiciaire niçoise. On découvre, au fil de son témoignage, une femme en proie au doute sur la véritable nature de son gendre. «Je travaillai­s avec Hélène Pastor depuis 1989 sur différents sujets. À partir de là s’est créé un climat de sensibilit­é et d’amitié. Elle n’arrivait pas à cerner son gendre. Il se disait propriétai­re de biens, grand businessma­n. Elle voulait en savoir plus, pour la protection de sa fille», confie Patrick Boffa, 30 ans d’expérience comme privé, également consultant en renseignem­ents et en sûreté auprès de grands groupes. Filatures, enquêtes sur les lieux fréquentés par Janowski, recherches à l’étranger. Patrick Boffa investigue tous azimuts. «La base, c’était d’analyser ses dires. Savoir s’il était réellement propriétai­re en Angleterre, vérifier ses diplômes. Nous avons une organisati­on à San Francisco qui regroupe les détectives privés du monde entier. Nous avons pu lancer ces investigat­ions.» Qu’en estil ressorti ? Que dès 1990, Hélène Pastor n’ignorait plus rien, grâce au détective, des mensonges de son gendre

‘‘ Mettre les pendules à l’heure ”

‘‘ Elle n’arrivait pas à le cerner ”

(suite) qu’elle appelait «Voltek», parfois «Tek», ou «Petit V.». Dans un rapport d’enquête du 27 juin 1990, Patrick Boffa écrit en résumé : « Ses activités quotidienn­es sont mal définies. Il semblerait qu’il n’a d’autre occupation que de tuer le temps avec ses divers projets quasiment mythomanes. (...) De nature assez prétentieu­se, il profite de sa liaison actuelle pour s’affirmer et paraître plus que ce qu’il est.» Pour Wojciech Janowski débarqué en Principaut­é sans le sou, fréquenter Sylvia Pastor, la fille d’Hélène, c’est comme gagner au loto tous les mois. La belle-mère versait mensuellem­ent, selon Patrick Boffa, 250 000 euros de rente à chacun de ses enfants. Le Polonais aux finances brinquebal­antes pouvait ainsi profiter de l’extraordin­aire magot d’une dynastie monégasque à succès. Gratte-ciel, bureaux : Hélène Pastor était à la tête d’une fortune estimée à plus de 12 milliards d’euros. Elle gérait avec beaucoup de prudence cet héritage immobilier qui compte plus de 90 000 m2 de bureaux dans le pays où le m2 est le plus cher au monde. Grâce aux rapports du détective privé - «j’ai accumulé 1,50 m de dossiers sur lui» -, Hélène Pastor a découvert un Janus aux deux visages. «Quasiment tout était faux. Il n’avait aucun diplôme. Ceux qu’il disait avoir n’existaient pas, tout comme les titres de propriété en Angleterre. Nous n’avons trouvé qu’un simple studio sans réelle valeur.» Son diplôme à Cambridge ? La prestigieu­se université avait confirmé à Nice-Matin qu’il n’en était rien. Son titre de directeur d’hôtels et de casinos ? Extrapolé d’une année passée comme chargé des relations publiques des jeux américains, de 1985 à 1986. Enquêtant, le détective indique à Mme Pastor que Janowski a «participé à une tentative de reprise du casino de Menton en 1989». Il est décrit comme «flambeur», menant grand train, invitant à tour de bras. «Hélène Pastor disait toujours qu’elle le voyait comme un gourou qui avait la main sur sa fille et la dirigeait.» Pas vraiment le profil du gendre rêvé. Wojciech Janowski appelait-il sa bellemère «maman» comme il le prétend ? «Quand elle organisait ses repas de famille, il ne lui adressait pas la parole, ne la regardait pas en face. Il se comportait mal. Il ne l’a jamais appelée maman, tout simplement.» Selon Patrick Boffa, plus les années passent, plus la milliardai­re s’inquiète. Elle craint même pour ses jours. Persuadée que son gendre attentera à sa vie. « Je me souviens qu’Hélène Pastor avait de gros problèmes de santé, des vertiges, la bouche sèche. Cela pouvait ressembler à des empoisonne­ments. Alors je l’emmenais régulièrem­ent, à sa demande, dans des laboratoir­es afin d’effectuer des analyses. On n’a rien découvert.» Pourquoi ces craintes ? «L’attitude de son gendre était de plus en plus agressive envers elle. Elle sentait qu’il allait faire quelque chose tôt ou tard, elle redoutait d’être empoisonné­e», affirme le détective privé. Selon Patrick Boffa, Hélène Pastor convoquera sa fille Sylvia en 1995 pour lui exposer le travail du détective. «Je me souviens que ce soirlà, Hélène Pastor m’a appelé, en pleurs. Elle m’a dit que sa fille lui avait demandé de ne plus me fréquenter, car je représenta­is un danger pour la famille. Sylvia en avait fait part à Wojciech Janowski et celui-ci lui avait dit d’appeler sa mère pour lui dire d’arrêter tout ça.» Hélène Pastor, très attachée à sa fille, se serait exécutée, en tout cas en apparence. Mais elle solliciter­a le détective en douce. Des rendezvous secrets s’organisero­nt à l’hôtel Fairmont, ou sur les bancs discrets de l’église Saint-Charles de Monaco. 24 années d’un doute terrible. «Compte tenu de tous ces éléments, je lui disais de se rendre à la sûreté publique afin de déposer une main courante. Mais au dernier moment, elle a renoncé. Par respect pour sa fille, pour ne pas que son gendre ait des soucis, pour ne pas la rendre malheureus­e, tout simplement.» Le 6 mai 2014, des coups de feu éclatent. Les assassins présumés d’Hélène Pastor seront jugés à la rentrée.

‘‘ Elle craignait d’être empoison née ”

‘‘ Des rendezvous discrets ”

 ?? (Photo Jean-François Ottonello) ?? Patrick Boffa, détective privé.
(Photo Jean-François Ottonello) Patrick Boffa, détective privé.
 ?? (Photo DR) ?? L’un des nombreux rapports, daté de 14 ans avant l’assassinat. Il révèle les mensonges sur le passé de Janowski.
(Photo DR) L’un des nombreux rapports, daté de 14 ans avant l’assassinat. Il révèle les mensonges sur le passé de Janowski.

Newspapers in French

Newspapers from France