« Le metalleux joue avec la norme et la dérision »
Antibes Corentin Charbonnier présente son ouvrage, tiré de sa thèse : Hellfest un pélerinage pour metalheads à la médiathèque samedi. Avec le leader de Dagoba
Vous en connaissez beaucoup, vous, des gens qui se retrouvent à présenter leur thèse devant un amphi plein à craquer ? C’est exactement ce qui est arrivé à Corentin Charbonnier. Alors, évidemment, le sociologue transforme l’essai. Et a publié son travail universitaire en ouvrage: Hellfest un pèlerinage pour metalheads. Une étude traitant du légendaire festival de musique metal se déroulant chaque année à Clisson (44). Pour présenter son livre, l’auteur assure une conférence ce samedi à la médiathèque AlbertCamus d’Antibes, aux côtés du leader du groupe Dagoba…
Pourquoi avoir choisi le Hellfest comme sujet de thèse ?
Je suis issu de la communauté metal depuis très longtemps. Pour réaliser ma thèse, il fallait un sujet qui me plaise. Le Hellfest est vraiment intéressant : c’est le seul lieu qui rassemble toutes les esthétiques : hardcore, death metal… La façon dont il est très ritualisé aussi est à étudier !
D’où le terme « pèlerinage » ?
Cela demande de la préparation, on organise ses vacances pour aller à Clisson, on voit avec qui l’on fait, on fait son planning, il y a également les danses durant les concerts, la façon dont on va boire… C’est tout un ensemble de rites qui crée une façon de vivre l’événement comme un pèlerinage que l’on peut comparer à celui de SaintJacques-de-Compostelle.
Comment avez-vous travaillé sur le terrain ?
J’allais déjà au Hellfest en tant que journaliste amateur pour une radio et des médias. Donc j’arrive tous les ans avec deux enregistreurs, des appareils photos et je récolte de données.
Sur quatre jours : c’est intense !
C’est ça ! Sur place j’ai vite arrêté les entretiens avec les festivaliers : c’est un événement festif, ça ne s’y prêtait pas. Par contre je les ai rencontrés et eu au téléphone durant le reste de l’année. Par contre j’ai profité du festival pour voir les groupes, les interviewer. Je voulais savoir quel rapport ils entretenaient avec le festival. Pour eux, le Hellfest c’est se produire sur une des plus grandes scènes de France. Et cela m’a aussi permis de réaliser des photos d’ambiance, de groupes, de voir les interactions entre le public et les artistes.
Vous avez été surpris par vos recherches même si vous êtes issu de la communauté ?
Durant cette petite année, j’ai fait face à la déconstruction de ce que je croyais comme acquis, de mes représentations. J’ai surtout été surpris de la dévotion autour du festival.
Vous parler de « communauté émotionnelle », c’est quoi ?
C’est une économie particulière le metal. Toute la communauté se construit autour du don contre don, des échanges. On les retrouve aussi bien entre les artistes et le public et même entre les organisateurs et le public ! Ca c’est un vrai rapport d’émotion.
Comme une famille ?
Oui ! D’ailleurs c’est très familial, le public aujourd’hui ! Vu qu’il vieillit – par exemple sur le Motocultor festival en Bretagne la moyenne d’âge est à ans –, on voit plus de plus de gens qui viennent avec leurs enfants. On a même vu au Hellfest des petits de à ans venir tôt pour découvrir le festival. C’est une musique transgénérationnelle.
Les clichés ont la dent dure ?
C’est un des aspects qui m’interessait. Oui, il y a des clichés. Mais le problème du metalleux c’est qu’il en rigole. Dire que le metalleux est un mec bourré à la bière qui montre ses fesses, ça le fera rire. Il joue avec la norme en usant de dérision. Après on parle de metalleux sataniques mais il y en a très peu. Les metalleux ne sont pas croyants, mais ont pris les normes de la religion pour les réinterpréter.
Vous continuez vos recherches dans l’univers metal ?
Je n’arrêterai jamais. Là je réalise des recherches pour le festival Motocultor, et je compte retravailler sur le Hellfest en faisant une recherche quantitative. Je vais sûrement publier un deuxième livre – toujours à moins de euros, je sais combien le public metal claque donc je ne veux pas faire plus cher. Et si je deviens maître de conférence je comparerai avec plaisirs les festivals metal sur le plan international.