Nice-Matin (Cannes)

Recette d’un succès

Les Bleus sont en finale. On vous explique comment c’est devenu possible

- VINCENT MENICHINI, À ISTRA

Deschamps, le rassembleu­r

Didier Deschamps a construit sa liste, comme on joue une partie d’échecs, en plaçant ses pions et en pensant au coup d’après. C’est un fin stratège, personne n’en doutait, qui a eu le flair d’aller chercher Pavard et Hernandez, après avoir visionné une quarantain­e de leurs matchs. Des gamins sans aucune expérience internatio­nale mais animés d’un esprit conquérant et qui n’ont peur de rien, ce dont raffole le sélectionn­eur. Après avoir tenté le pari du jeu lors de la préparatio­n et contre l’Australie, ‘‘DD’’ a eu le courage de reculer pour mieux sauter. Il a remis Giroud et Matuidi, deux de ses ‘‘soldats’’, au coeur du jeu, redessiné son équipe en 4-4-2, comme à l’Euro, et pris le parti de subir, si besoin, pour mieux piquer en attaque rapide. Contre la Belgique, son plan a fonctionné à la perfection. « Moi, tu marques le premier but et après tu défends comme un chien, ça me va ! » aime répéter Antoine Griezmann, qui joue en club, à l’Atlético Madrid, les matchs pour les gagner, et non pas pour amuser la galerie. Il y a du Diego Simeone dans ce Deschamps-là, du José Mourinho aussi, du Aimé Jacquet 1998, beaucoup, des références dans l’art de défendre, ce qui ne dérange plus personne, à commencer par les joueurs en mission depuis 50 jours et convaincus que c’est en évoluant de la sorte, qu’ils ont le plus de chances de décrocher le titre suprême. « Le football, ce n’est pas toujours l’attaque, confie Paul Pogba. La Belgique, c’était un très gros morceau, ça s’est joué à rien. » « Didier, il sait où il va depuis le début, glisse Eric Cubilier, l’un de ses proches. Tout est étudié, il se trompe rarement. Dans son management, je le trouve très habile. Il laisse beaucoup de liberté à la nouvelle génération tout en lui fixant un cadre. Il y a une confiance entre eux, une sorte de pacte. Il n’y a qu’à voir comment les joueurs le prennent dans les bras après les victoires. » Dans le vestiaire de SaintPéter­bourg, il y a eu des larmes de joie lors de la célébratio­n de cette qualificat­ion en finale, la troisième en vingt ans, ce qui fait de la France une exception. « C’était beau à voir, extraordin­aire. J’ai pleuré comme un bébé, des joueurs aussi », avance même un membre de la délégation. Quelques minutes plus tard, le président Emmanuel Macron a fait son apparition pour saluer et remercier les nouveaux héros du peuple français. Dans la soirée, les joueurs ont pu profiter de leur famille avec un dîner commun qui s’est étiré jusqu’à deux heures du matin. Didier Deschamps était assis à la table de Nagui et Dany Boon. Les joueurs ont pu partager une nuit avec leur compagne, ce qui n’était pas forcément prévu au programme... Toute la délégation s’est retrouvée, hier matin, pour un brunch dans une ambiance légère. « Il faut aller au bout, il y a encore une marche », répétaient tous les Bleus à leurs proches, avant de les quitter en début d’aprèsmidi pour prendre la direction de leur camp de base, à Istra, et se remettre au boulot.

Des cadres au sommet

Alors qu’ils ont préparé leur Mondial de manière différente, Hugo Lloris, Raphaël Varane et Paul Pogba réalisent des performanc­es éblouissan­tes depuis le début de la compétitio­n. Critiqué il y a un mois, le gardien des Bleus a mis tout le monde d’accord, à force de réaliser des prouesses, à des moments clés des matchs. Hors des terrains, ‘‘El Gato’’, comme le surnommait Gérard Buscher, l’un de ses formateurs à Nice, semble également plus à l’aise dans l’exercice médiatique, sûr de lui, convaincan­t et capable de faire passer des messages bien précis. Après l’Australie, il n’avait pas hésité à « recadrer » Kylian Mbappé qui s’était trompé d’objectif lors de sa première en Coupe du monde. A 31 ans, le Niçois sait qu’il est l’heure de garnir son palmarès. Raphaël Varane a pris le train en route durant la préparatio­n. Il avait une troisième Ligue des champions à gagner, voila une très bonne excuse. Le défenseur du Real Madrid, âgé de 25 ans, dégage une sorte de plénitude. Il plane durant les matchs, vole au-dessus des attaquants adverses, marque quand il le faut, comme Laurent Blanc avant lui. S’il remporte la Coupe du monde, il pourra prétendre au Ballon d’or, ce qui est si rare pour un défenseur central. Cela pose un homme. L’autre taulier de cette aventure, c’est Paul Pogba. «Ila pris les choses en mains, ce n’est plus le même, pose une source interne. Un vrai patron. » Malgré les critiques, Didier Deschamps l’a toujours soutenu. Il a parfois dû le piquer, le placer sur le banc, mais la confiance n’a jamais été rompue entre les deux hommes. « Paul a été monstrueux contre la Belgique », s’est enflammé le sélectionn­eur. On confirme… Depuis le début du Mondial, ‘‘la Pioche’’ déménage dans l’entrejeu, ne se disperse plus balle au pied. Il donne le tempo, gère les temps forts, les temps faibles de son équipe. Il récupère, il donne, il est fort dans le duel. Ce n’est plus le même et profite, aussi, d’un lieutenant de choix en la personne de N’Golo Kanté. A l’arrière du bus, Pogba joue les gros bras, mais il ne fait plus ‘‘que’’ ça. Il est aussi devenu un cadre respecté et écouté par ses jeunes partenaire­s. « Ses performanc­es le rendent encore plus légitime », apprécie Deschamps.

Mbappé, un gamin en or

A 19 ans, Kylian Mbappé affole les compteurs et la planète football. Depuis sa nouvelle démonstrat­ion de force contre la Belgique, il est même devenu le joueur le plus recherché au monde sur Google ! Alors, certes, il n’a pas marqué, ni fait marquer – cela dépend plus de Giroud pour le coup -, mais il a eu cet éclair de génie, cette roulette-talonnade, pied droit, pied gauche, que personne n’avait vu venir. Lui y a pensé. C’est le lot des génies de ce jeu. Mbappé en est un. Une comète, un truc hybride, qui laisse ses adversaire­s directs vaseux, comme on sort d’un manège à sensations. L’Anglais Rio Ferdinand a parfaiteme­nt résumé le phénomène. « Pour défendre sur Mbappé, il faut regarder le ciel et dire : please help me! (aidez-moi, NDLR) »

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(Photos AFP) Lloris, Deschamps, Pogba, Mbappé : autant de facteurs clé du succès des Bleus.
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