Nice-Matin (Cannes)

André Manoukian : « Le piano est devenu ma chanteuse»

- Comment est perçu Jazz à Juan dans le milieu des musiciens ? La dernière fois que vous étiez sur cette scène, c’était avec Stacey Kent. C’est une voix qui vous séduit ? Qu’est ce qui vous motive aujourd’hui ? Comment est né le festival Cosmo Jazz à Chamon

Qu’est ce qui fait courir aujourd’hui André Manoukian ? Certaineme­nt plus les émissions de téléréalit­é. Même si, pour autant, il ne crache pas dans la soupe. «Dédé» s’est offert samedi soir sa première scène en vedette à Jazz à Juan. Un concert où il a rendu hommage à ses racines arménienne­s en interpréta­nt l’essentiel de son dernier album, Apatride, aux sonorités très orientales. Son actu à la rentrée : des concerts, la télévision, un album avec Élodie Frégé et China Moses. Juste après l’organisati­on de son propre festival de jazz à Chamonix. En toute franchise : c’est la classe, c’est un honneur, un milestone comme on dit dans notre métier. Il y a des repères qui vous font dire qu’on est sur la bonne direction. J’ai déjà joué il y a longtemps ici avec Liane Foly. C’était un concert avec Dee Dee Bridgewate­r et Liane ouvrait le festival. C’était déjà monstrueux. Pour moi, Jazz à Juan, c’est la voix d’André Francis qui dit : “Et voici dans le quintet de Miles Davis le jeune Tony Williams qui n’a que  ans”. C’est aussi le pin parasol de la Pinède-Gould ou encore le bassiste Jaco Pastorius. J’ai assisté à un de ses concerts à Juan avec Weather Report. À la fin d’un morceau, il avait mis sa basse en raisonnanc­e et l’avait posé par terre. Il sortait, se mettait au milieu de son ampli et sautait pour récupérer sa basse. Je me souviens ce jour-là, il n’était pas arrivé dans les temps. Il avait vu la mer et s’était baigné avant de retrouver les autres musiciens sur scène. C’est tout ça Juan. Rien que de la légende, des histoires du jazz. C’est un lieu légendaire. Une étape formidable quand on est musicien. Évidemment. J’ai toujours aimé les chanteuses. Elle a une voix qui vous fusille. Après les décès d’Ella Fitzgerald et de Sarah Vaughan, il a fallu attendre une nouvelle génération. J’aime beaucoup aujourd’hui Stacey Kent, mais aussi Norah Jones ou Madeleine Peyroux. Elles se mettent à chanter très simplement, comme si elles vous murmuraien­t à l’oreille. Cela a donné un coup de vieux à toutes ces chanteuses de l’époque qui étaient plus dans le vibrato. Ces filles, sans vibrato, vous plantent un poignard en plein coeur de manière beaucoup plus efficace. La musique et le piano. J’ai étudié au prestigieu­x Berklee College of Music de Boston. Je suis devenu pianiste compositeu­r et arrangeur. Dans mon parcours, au début c’était le jazz et le piano. Ensuite, j’ai été séduit par les voix de chanteuses. Et depuis dix ans je suis revenu à mes racines, à la musique arménienne. J’ai décidé que le piano deviendrai­t définitive­ment ma chanteuse. J’ai rajouté la trompette d’Ibrahim Maalouf ou le doudouk d’Hervé Gourdikian. Cet instrument remplace la chanteuse, sans les inconvénie­nts. J’ai trois passions : la musique, la philosophi­e et la montagne. Je suis Lyonnais. Mon père m’a transmis sa passion pour Chamonix. On s’est installé là-bas avec ma femme. Le maire m’a fait confiance pour organiser ce festival sur les sommets. et où il faut prendre le téléphériq­ue pour écouter des concerts au pied d’un glacier... Pop ou jazz ? Il fut un temps où le jazz était pop. C’est tout cela que j’aime. Aujourd’hui c’est devenu la musique d’une élite un peu complexe. Il y a eu une époque où c’était une musique de danse. Le jazz est pour moi définitive­ment pop. La scène parce qu’on fait des choses inédites. Mon maître dans le genre, c’est Al Jarreau. Il convoquait des gens en studio lorsqu’il enregistra­it pour qu’il y ait cette émulation. Je n’aime pas jouer face à un ingénieur du son qui fait la gueule en regardant ses vumètres.

 ?? (Photo Sébastien Botella) ?? André Manoukian a retrouvé samedi soir l’univers de Jazz à Juan pour un concert en quartet. Il s’y était produit pour la dernière fois dans le cadre des Victoires avec Stacey Kent. Après Juan, il se rendra à Chamonix où il a créé un festival en montagne.
(Photo Sébastien Botella) André Manoukian a retrouvé samedi soir l’univers de Jazz à Juan pour un concert en quartet. Il s’y était produit pour la dernière fois dans le cadre des Victoires avec Stacey Kent. Après Juan, il se rendra à Chamonix où il a créé un festival en montagne.

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