Nice-Matin (Cannes)

La der’ de Ray Charles à la pinède

- ROBERT YVON ryvon@nicematin.fr

J’ai eu cette chance de pouvoir rencontrer quatre fois Ray Charles, mais une seule fois en tête à tête. À chaque fois c’était très impression­nant de voir arriver cette légende qui tenait le bras de Jean-Pierre Grosz, son agent français, titubant comme sur scène et s’asseyant sur un fauteuil en réclamant une coupe de champagne millésimée. Trois fois, c’était dans un salon particulie­r du méridien; deux fois avant un concert. La troisième, vers une heure du matin. Mais pour capter quelques mots de Ray Charles, on était tous prêts à attendre des heures. Car Ray donnait peu de conférence­s de presse et peu d’interviews. La première fois, grâce à Béatrice DiVita, nous obtenons un rendezvous avec une autre journalist­e spécialisé­e. Ray arrive et nous touche les mains, comme pour nous adouber. Ok, l’interview peut commencer. On évoque sa vie, son oeuvre, ses passions, ses coups de coeur, la politique et sa voix. L’entretien dure environ une demi-heure. Puis Ray nous remercie et s’en va. La seconde fois, en 1999, c’est une mini-conférence de presse qui est organisée autour du Génius : un quart d’heure. Pas plus. Ray parle à tout le monde et s’en va. Tout comme l’année suivante en 2000. En 2001, il se produit en quintet à Juan-les-Pins. Il devient très vieux. Chacune de ses prestation­s est alors contestée. La voix de Ray n’est plus ce qu’elle était. Mais l’homme reste une immense légende. Sa dernière interview, on la fera donc cette année-là après l’avoir longtemps attendu. Il ne dit pas grand-chose, reste un petit quart d’heure et s’en va. Il meurt le 10 juin 2004 en Californie. Il aura évidemment marqué le festival de Jazz à Juan, qu’il fréquentai­t depuis son tout premier concert en 1961. «J’étais jeune, c’était aussi la première fois que je venais en France. J’avais un tout petit groupe à l’époque. Je crois qu’il y avait en même temps que moi Count Basie à Juan. J’étais très excité de le savoir sur cette même scène», disait-il lors d’une de ces conférence­s de presse. Autre propos qu’il m’avait tenu lorsque j’évoquais avec lui l’avenir du jazz et des musiques connexes au début des années 2000: «Je ne sais pas vers quoi nous allons. Simplement je regrette le pillage de nos musiques par des DJ’s, le manque de mélodie du rap et le manque de création. Je pense qu’en musique, il faut utiliser beaucoup son esprit, ne pas piquer la musique des maîtres pour y ajouter sa propre sauce. Il faut avancer comme nous avons avancé. » Une belle leçon de musique, non ?

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