Nice-Matin (Cannes)

NTM DE RETOUR SUR SCÈNE : «ONESTÀBLOC!»

La tournée événement de Suprême NTM passe par Juan-les-Pins, vendredi, au festival Lunallena. Une grande première sur la Côte d’Azur, trente ans après leurs débuts. Phénomènes en live comme en coulisses, Joey Starr et Kool Shen nous accordent un entretien

- Propos recueillis à Nyon par Christophe CIRONE ccirone@nicematin.fr

Fais gaffe, ton temps est compté ! » Joey Starr nous

met au parfum direct. Ses grosses bottines s’abattent sur la table. Ses lunettes noires nous toisent. Une interview de NTM, c’est un combat de boxe verbal. Un défi. Une séquence rock’n’roll avec deux légendes du rap. Didier Morville (Joey Starr) et Bruno Lopes (Kool Shen), «un siècle à eux deux », restent rares dans les médias. Si Nice-Matin a décroché cette exclu’ samedi en Suisse, avant leur concert au Paléo Festival de Nyon (  spectateur­s), c’est dans l’optique du prochain : ce vendredi à Juanles-Pins. Après The Chemical Brothers jeudi, le Suprême NTM sera la tête d’affiche du festival Lunallena, e édition, organisé par le groupe Nice-Matin avec Gérard Drouot Production­s et Monaco Live Production­s. Une performanc­e monstrueus­e de  minutes. Et une première dans les Alpes-Maritimes. Pour ce quart d’heure privilégié, il aura fallu braver cinq heures d’aléas, avaler deux allers-retours vers leur hôtel à tombeau ouvert, s’enfiler du rhum cul sec et les rattraper au vol au bout de dix minutes. Au final, un pur régal. Surtout quand ça dérape.

Dix ans d’absence, trente ans de carrière, cinquante ans révolus : avec quelles sensations vivezvous cette nouvelle tournée ?

Kool Shen : Ça fait du bien. On a repris avec Bercy, sans rodage avant. On s’est bien appliqué. Maintenant, c’est « déroulade » ! Les automatism­es ne sont jamais vraiment partis. Plus on joue, plus la machine est huilée.

Trois dates à Bercy vendues en neuf minutes, c’est un truc de fou. Cette nostalgie vous...

Joey Starr [il coupe] : Ben ça donne envie de faire une tournée, tiens ! C’est là que tu voulais en venir ?

Une tournée, et pourquoi pas un album aussi ?

JS : Ouais, bon. Pour l’instant on parle de live, non ? KS : Les sensations du live, on ne les a pas tout le temps. Lui [il désigne Joey Starr], il a fait des albums. Moi, j’ai fait des albums mais pas de tournée.

Ce n’est pas comme si vous étiez restés inactifs. Un mot sur vos passions respective­s ? Le poker, le rhum... ?

JS :Lerhum![ Il éclate de rire] Tiens, je sais quoi te répondre : bois ça ! Bois ça ou j’arrête l’interview (Il tend une bouteille de rhum pleine. J’avale trois gorgées cul sec au goulot. Joey paraît satisfait). Voilà, elle va avoir une bonne gueule l’interview ! KS (redevient sérieux) :Onvitde nos passions, quand on rencontre des trucs autres que la musique. Monsieur a embrassé une carrière d’acteur. Et moi, c’est le poker. Ça nous aide à nous lever le matin. JS : La musique est toujours là. On est dans la même dynamique. Pas avec la même constance qu’avant, mais on est là. KS : En tout cas, quand on revient, c’est avec la même motiv’.

Pourquoi avoir attendu dix ans pour revenir, alors ?

JS : Faire des lives et sortir un album, ce sont deux démarches différente­s. Avant, on était dans l’air du temps. Aujourd’hui, certains pourraient penser qu’on est dans le revival. Mais on n’est pas là, toute l’année, à se dire qu’on nous attend depuis des lustres ! On a la tête à autre chose. Et de temps en temps, ça fait du bien de se retrouver. [Il se marre] En fait, c’est les vacances !

Bruno, vous aviez déclaré « Venir voir NTM sur scène à  %, ça ne sert à rien. » C’est bon ? Vous êtes à  %, vous êtes à bloc ?

KS : On est plus qu’à bloc ! On a au moins autant le physique d’il y a vingt ans. Il y a encore plus de plaisir, car c’est plus maîtrisé.

La petite flamme des gamins

révoltés du - brûle-t-elle encore dans les icônes du rap que vous êtes devenus ?

KS : En tout cas, quand on passe sur scène, on n’est pas dans l’imposture. On a commencé par la danse, on sait ce que c’est qu’un spectacle. On ne vient pas faire un karaoké géant comme on peut le voir régulièrem­ent sur la scène rap actuelle... Et on a envie de montrer qu’on est encore vivants. JS : Quand on joue des morceaux comme Qu’est-ce qu’on attend pour foutre le feu, ça garde une certaine résonance. À nos débuts, les têtes devant nous étaient plus jeunes. Là, c’est mixte. Comme un carrefour génération­nel. Mais on n’a peur de rien, sinon, on ne

serait pas là.

Votre prochaine date, ce sera Juan, peu après le festival de jazz. Beau contraste, preuve que le rap a gagné ses lettres de noblesse ? KS

: Oui, d’autant qu’on n’a pas tellement joué dans le sud-est. Pourtant, pour nos tournées, on était régulièrem­ent programmés à Nice, au Nikaïa ou d’autres salles plus petites à nos débuts... Et un mois avant la date, une annulation tombait.

Pour des raisons politiques, à l’époque de Jacques Peyrat ? KS : Absolument ! C’est dans le Var, à La Seyne-surMer, que vous avez vécu de gros démêlés avec la justice...

KS : Voilà. Mais c’était davantage dû aux keufs présents qu’à la municipali­té (). Etes-vous plutôt satisfaits de voir que le rap est devenu la culture musicale dominante? Ou frustrés de l’évolution du genre, qui s’est éloigné du sens originel ?

KS : Personnell­ement, je trouve ça bien. Après, cette évolution n’est pas propre à la France. Aux EtatsUnis, c’est le cas depuis très longtemps, et de façon bien plus outrancièr­e ! A vrai dire, je ne suis pas fan de grand-monde dans le rap français actuel... Mais certains ont du talent. Plein de gens font des trucs très différents, comme à notre époque. C’est quand même de la musique [Joey s’impatiente, bondit de son siège et sautille].

Le constat d’urgence sociale que vous dénonciez à vos débuts est plus d’actualité que jamais ? KS

: La société est devenue beaucoup plus capitalist­e. Même les mômes qui ont grandi en quartier veulent faire de l’argent. Nous, quand on a commencé dans le hip hop, on n’avait pas une thune et on ne pensait jamais en faire ! Quand tu commences par la danse et le graffiti en t’appelant « Nique Ta Mère », c’est que tu ne cherches pas à faire de l’argent... JS : Quoiqu’aujourd’hui, ça le ferait ! En fait, on ne se posait pas de question. On jouait pour nous.

Et aujourd’hui, remonter sur scène, ça reste spontané ?

JS (ironique) : Ecoute, la paye est bonne, on est bien ensemble... [Sérieux à nouveau ]Sionnese posait pas de question, on ne livrerait pas le show qu’on a fait à Bercy. On ferait quelque chose d’inégal. Et on n’aime pas ça. On cherche à faire un truc qui nous amuse et vous en mette plein la gueule. Si ça nous contente nous, en général, la magie opère.

L’an dernier à Nice, IAM... JS

[il coupe, espiègle] C’est qui ?

Un petit groupe marseillai­s prometteur. Avec vous, les vieux briscards du rap reviennent montrer la « voix » aux jeunes ?

KS : Je n’ai pas envie de montrer la voie quand je monte sur scène. C’est très égoïste. Nous, on est très pudique. Si les gens ne crient pas en concert, j’ai l’impression de me retrouver à poil. 1. Le 14 juillet 1995, invité par SOS Racisme pour dénoncer l’arrivée du FN à la mairie de Toulon, NTM interprète Police. Au micro : Joey Starr se lâche contre justice et forces de l’ordre. Bilan : six mois de prison dont trois ferme, peine ramenée à trois mois avec sursis.

On ne vient pas faire un karaoké géant ”

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 ??  ?? La spéciale dédicace de Kool Shen pour les lecteurs de Nice-Matin.
La spéciale dédicace de Kool Shen pour les lecteurs de Nice-Matin.

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