Crue mortelle en Corse : une imprudence du guide ?
L’enquête ouverte par le parquet d’Ajaccio devra déterminer pourquoi ce professionnel, figurant parmi les cinq victimes, a engagé le groupe dans le canyon alors que la météo était exécrable
L’enquête pour homicide involontaire ouverte après la mort de cinq personnes, dont une fillette et son père, emportées par une crue soudaine dans un canyon en Corsedu-Sud, mercredi, s’orientait jeudi autour d’une éventuelle imprudence du guide, lui aussi mort dans l’accident. Gérard Collomb, le ministre de l’Intérieur, s’est dit « profondément affecté » par ce drame Deux jours avant le drame, lundi, des gendarmes avaient justement contrôlé ce guide d’Alticanyon, prénommé Pierre, a précisé le procureur de la République d’Ajaccio, Eric Bouillard. Selon le magistrat, invité à changer ses baudriers, «il l’a fait immédiatement ».
« Un guide désorganisé »
Une vacancière, qui devait participer à une sortie finalement annulée par ce contrôle de gendarmerie, a de son côté décrit un guide « désorganisé », à qui les gendarmes ont fait « plusieurs reproches » : « Ils lui ont montré que les baudriers étaient en mauvais état et demandé son cahier d’entretien de matériel, mais Pierre leur a dit qu’il n’en avait pas. » Interrogé sur un mousqueton qui ne fermait pas ou sur des cordes de rechange, le guide a répondu qu’il n’avait « pas de matériel de rechange », a assuré encore Stéphanie, cette mère de famille qui devait faire une sortie sur le parcours « sportif » avec lui: « Avec le recul, je me dis que j’ai eu de la chance et que j’ai pris la bonne décision en faisant cette sortie plus tard avec une autre société plus professionnelle. »
Les équipements hors de cause
Pour autant, assure le procureur, le guide « était en règle » et l’accident de mercredi n’était a priori pas lié à un problème d’équipement. L’enquête porte plutôt sur les raisons qui ont poussé le groupe de sept personnes dont faisaient partie les victimes à poursuivre leur descente dans le canyon alors que d’autres groupes avaient déjà renoncé en raison des conditions météorologiques : la Corse avait été placée en vigilance jaune orage mercredi et un orage localisé a fait gonfler subitement le Zoicu, le ruisseau qui donne son nom au canyon.
Interdit aux moins de ans
Confiée à la gendarmerie, l’enquête cherche également à établir si la seconde partie du canyon, plus technique, comportait une interdiction pour les enfants de moins de 13 ans. « Concernant l’activité de canyoning en Corse, elle est interdite aux enfants de moins de sept ans par un arrêté préfectoral », a précisé le magistrat du parquet. Les cinq victimes de l’accident sont une fillette de 7 ans et son père âgé de 39 ans, le guide de la société Alticanyon, âgé de 36 ans, un jeune homme de 26 ans et une jeune femme de 22 ans dont le corps a été découvert hier. La mère de la fillette décédée, en état de choc, faisait partie du groupe de 13 personnes – 12 participants et un guide – engagé dans cette sortie de canyoning mais elle avait renoncé en cours de descente avec cinq autres canyonistes, à poursuivre l’activité, laissant son conjoint et sa fille continuer avec le guide et quatre autres personnes.
Une vague de m
Le groupe de sept personnes restant a ensuite été surpris par une vague alors qu’il effectuait une descente en rappel. « Cette vague, décrite comme importante – on parle de trois mètres –, va les submerger et les emporter », a relaté le procureur, précisant que deux autres groupes avaient fait demi-tour « compte tenu des conditions orageuses qui arrivaient » sur la zone : « On va chercher les raisons pour lesquelles ce groupe a poursuivi alors que les autres ont fait demi-tour. » Une guide d’un de ces groupes, retournant en arrière, avait permis de sauver deux personnes, un homme de 40 ans et son fils de 16 ans, en leur lançant une corde, selon Eric Bouillard. Dans les Alpes bernoises (Suisse), un accident similaire avait fait 21 morts en juillet 1999 à Interlaken.