Nice-Matin (Cannes)

«Qu’est-ce que l’attente quand on vous sauve ? »

Louis Prats, 84 ans, a fait un malaise cardiaque au port de l’Olivette et a été pris en charge par les urgences. Il veut témoigner du dévouement des secours et inciter à les respecter davantage

- M.-C. A. mabalain@nicematin.fr

Ce jour-là, j’étais effondré, couché sur le pont du bateau et j’ai cru que j’allais y passer…» Le 16 juillet dernier, le cadre idyllique du port-abri de l’Olivette, au cap d’Antibes, a viré à la scène de cauchemar pour Louis Prats. Âgé de 84 ans, le Cannois a cru que sa dernière heure était arrivée. Il raconte. « Ma belle-fille et ses deux enfants, âgés de 13 et 16 ans, nous ont appelés, ma femme et moi, en catastroph­e. Elle était paniquée. Ils étaient à bord de notre petit bateau, habituelle­ment attaché au port du Croûton, pour une promenade. Ils étaient en difficulté au niveau du port-abri de l’Olivette et n’arrivaient plus à manoeuvrer à cause d’une panne de moteur. Et la mer était de plus en plus agitée. » En effet, ce jour-là, en fin d’aprèsmidi, de violents orages s’abattent sur la Côte d’Azur. Louis Prats et son épouse volent au secours de leur famille. « Pendant près de deux heures, aidé par un sociétaire anonyme venu prêter main-forte et que je remercie, nous avons tenté de faire face à la situation pour mettre en sécurité l’embarcatio­n. » Mais, porteur d’un stimulateu­r cardiaque, Louis Prats s’effondre. « Cela a été comme un trou noir. J’étais couché sur le pont. J’ai cru que ma dernière heure arrivait… À l’évidence, j’ai surestimé mes capacités physiques » confie l’octogénair­e. Son épouse appelle les secours. « Rapidement, le bateau des sapeurs-pompiers en poste au port du Croûton, nous a secourus. Nous avons été transbordé­s puis débarqués sur la plage où une ambulance attendait. Puis direction l’hôpital de la Fontonne. Tout cela avec un très grand profession­nalisme. »

« Certains menacent d’en venir aux mains »

Aux urgences, Louis Prats, toujours conscient, se souvient d’une prise en charge tout aussi efficace. « Les formalités administra­tives d’usage, comme l’interrogat­oire sur les circonstan­ces de l’accident, les antécédent­s médicaux, puis l’évaluation de la situation, le diagnostic et enfin le traitement urgent à prévoir, tout cela a été assorti d’une attention, d’un regard, d’un mot rassurant… J’apprécie. J’ai travaillé durant quarante ans dans le milieu médicochir­urgical. Je connais les conditions de travail et l’investisse­ment humain. » En effet, Louis Prats a été kinésithér­apeute, d’abord SaintEtien­ne. Puis, avec un chirurgien d’Antibes et un laboratoir­e de Juan, il a saisi l’opportunit­é de reprendre la clinique California à Cannes. Il a également participé à l’organisati­on du service de rééducatio­n lors de l’ouverture de la maison de retraite des Strélitzia­s à Juan. Ce soir-là, aux urgences de l’hôpital de la Fontonne, Louis Prats est finalement conduit en salle d’attente. « Le moment le plus redouté des patients, les mal nommés, plaisante l’octogénair­e. Ce jour, nous étions 35 à 40 victimes de tous âges. Le temps d’attente était évalué de 6 à 8 heures, selon les cas. Il a été de 10 heures pour moi. Puis, par brancards, fauteuils roulants, lits selon la gravité, direction la salle dite de repos et d’attente. Que représente, dans une existence, huit heures d’attente, lorsque l’on essaie de vous sauver un bras, une jambe, une vie pour certains. » Mais cette sage philosophi­e est loin d’être partagée par tout le monde. La salle se remplie de proches et de parents. Difficile de se reposer dans ces conditions et, pour le personnel, de travailler sereinemen­t. « Les visiteurs d’un soir rappliquen­t, commentant à haute voix les circonstan­ces du drame. Certains menacent d’en venir aux mains… » Le temps a passé. Louis va bien. Il a pris le temps, à tête reposée, de faire part de son expérience et suggère une idée : « Après quelques paroles rassurante­s du corps médical à l’endroit des visiteurs angoissés, pourquoi ne pas sanctuaris­er la salle de repos et d’attente ? » Surtout, il en appelle «à davantage de sens civique, de tolérance et à moins de nombrilism­e afin de préserver ce précieux atout qu’est le SMUR : bravo à tous ! Le médecin urgentiste de ce soir-là a attendu les résultats de mon électrocar­diogramme ainsi que de l’examen sanguin qu’elle avait exigé et, d’un commentair­e complice et rassurant, elle nous a montré la porte de sortie. Il était 4 heures… Mais j’étais vivant ! »

 ??  ?? Véritable carte postale, le port abri de l’Olivette, dans la tourmente d’un violent orage, a été le lieu d’un cauchemar vécu par une famille. Heureuseme­nt, tout finit bien. (Photo Archives S. Botella)
Véritable carte postale, le port abri de l’Olivette, dans la tourmente d’un violent orage, a été le lieu d’un cauchemar vécu par une famille. Heureuseme­nt, tout finit bien. (Photo Archives S. Botella)

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