Nice-Matin (Cannes)

Le jour où... Casanova ancre aux remparts ses légendaire­s conquêtes...

Aujourd’hui, retour au XVIIIe siècle sur les passions charnelles de l’indétrônab­le séducteur vénitien

- MARGOT DASQUE mdasque@nicematin.fr

Tous les lundis, nous vous proposons une série de récits – parfois romancés – revenant sur des épisodes qui ont marqué le passé dans la cité des Remparts. Sur ces fameux jours où...

Vous le supposez riche, il ne l’est pas. Vous le supposez « homme de grande naissance », il ne l’est point. D’ailleurs, il n’a aucun « talent lucratif, aucun emploi, aucun fondement» pour être certain qu’il aura de quoi manger dans quelques mois. En plus de cela, il n’a « ni parents, ni amis, ni aucun droit pour prétendre, et aucun projet solide » (1). Aujourd’hui, on dirait de lui qu’il se laisse vivre. Oisif devant l’éternel, il a pourtant trouvé une voie à suivre. Instinctiv­e, primitive, bestiale – à vous de choisir. Séducteur ou séduisant ? Casanova. Cela vous sied-il comme réponse ? De ces personnage­s qui font de leur patronyme un nom. De ces personnage­s aux mille visages. Abbé libertin, évadé vénitien, escroc de la marquise. Mais sybarite avant tout, n’en déplaise à ses victimes. Mante religieuse pas très catholique, ce cher Giacomo se nourrit des âmes qu’il détrousse. Des biens pécuniers, certes. Mais également de pas mal de confiances laminées et de coeurs brisés. Dommages collatérau­x inaliénabl­es. Doté de l’intelligen­ce propre aux êtres orphelins d’honnête empathie, ce pirate des sentiments n’est pas du genre à garder une femme à chaque port. Il s’en lasse. Lui, il veut de l’aventure, de la vraie escapade qui sent déjà bon le sel des larmes. C’est donc sur les flots méditerran­éens que nous retrouvons notre amoureux de lui-même. 1758. Avant de plonger dans les passions antiboises, le libertin se joue du destin du côté de Toulon. Gentleman inconditio­nnel, il tombe sous le charme d’une demoiselle dans les bras d’une autre. Classe. Après avoir rencontré une jeune femme dans les loges d’un théâtre marseillai­s, il décide de partager sa couche. Du genre à sortir couvert, il conte dans ses mémoires cet épisode prenant place dans une chambre d’hôtel : « Elle m’offrit alors le vêtement anglais qui met l’âme en repos. » Derrière l’élégante formule, notre fine plume évoque bien évidemment l’usage du préservati­f. Sauf que voilà. La protection donnée par sa charmante hôte ne lui convient pas. « D’une qualité trop ordinaire »à ses yeux – parce que oui, monsieur ne se met pas n’importe quoi sur les parties –, il fait sonner le personnel hôtelier afin de se faire apporter un autre moyen d’avoir l’âme délassée. Le rebondisse­ment toque à la porte. Sur le seuil, c’est la foudre qui vient de frapper. Envoyée pour répondre à la demande de la clientèle : Rosalie, 15 ans. Sans s’en douter une seconde, elle vient d’apporter la tempête. Ce n’était pas prévu, ce n’était pas permis. Mais avec Casanova, la bienséance : c’est une option. Sous le charme de l’adolescent­e, notre héros délaisse sa conquête. Merci, au revoir. Et s’en va avec la jeune fille sous le bras. Qui, selon l’histoire, semble plutôt enclin à filer à… l’anglaise. Embarquant pour une idylle sur les flots, le nouveau couple fait escale dans notre cité des Remparts. L’indétrônab­le bourreau de la galanterie y loue une felouque. Il souhaite conduire sa belle à Gênes. C’est d’ailleurs dans cette ville qu’il se verra spolié de son amourette. Apprenant la grossesse de Rosalie et ses fiançaille­s, le tombeur ne peut se résoudre à rendre les armes. Finançant la place de sa tendre dans un couvent jusqu’à son accoucheme­nt, il lui fait promettre de ne pas l’oublier. Pour la petite anecdote, un an plus tard, les deux anciens amants honorent cette promesse. Et se revoient. Entretemps, Rosalie s’est mariée et élève une petite fille de six mois. Mais il ne s’agirait pas de la seule équipée ayant conduit Casanova à Antibes. Ce dernier a également éprouvé la passion auprès des remparts avec une Marseillai­se dégotée en Italie. Parcourant l’azur de la houle, il a pour mission de la ramener sur nos côtes auprès de ses parents. Évidemment, ce qui devait arriver… arriva. Impossible de ne pas envisager sa conquête le temps du voyage sous les vents. Jouant l’indifféren­ce, sa délicieuse passagère laisse flotter l’ambiguïté. Il semblerait qu’une fois arrivée à bon port il pourrait obtenir ce qu’il désire… Usant du vin de Bourgogne et de sa mémoire à leur entrée du port d’Antibes, le charmeur rappelle à sa douce ce qu’elle semble lui avoir garanti. Enivrée, cette dernière souhaite se coucher. Profitant de l’occasion, Casanova s’invite sous ses draps. Avec soulagemen­t, selon l’échange relaté par ses soins. : « Enfin, voici donc venu le temps de ma félicité ! » La belle lui aurait coupé le sifflet en lui répondant la pareille. « Ne m’as-tu pas toujours constammen­t repoussé ? », s’étonne l’enjôleur. « Jamais, je t’ai aimé dès le premier jour», lui lance sa dulcinée de l’éphémère. Des déclaratio­ns qui ont enflammé le sommier. «Nous fûmes également heureux de nos jouissance­s et de notre bonheur réciproque», se flatte ce flibustier du divan qui venait là de vivre un de ses derniers spasmes de plaisir. Par la suite, il se souviendra de la moiteur de cette nuit comme du début de la fin. « Ce fut en ce fatal jour [...] que j’ai commencé à mourir. » Comme quoi, la petite mort peut cacher la plus grande.

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(Photos archives N.-M. et collection René Pettiti) « Usant du vin de Bourgogne et de sa mémoire à leur entrée du port d’Antibes, le charmeur rappelle à sa douce ce qu’elle semble lui avoir garanti. »
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