Jean-Pierre Leleux
Retrouvez cette rubrique qui donne la parole à un habitant de la cité des parfums ou du pays grassois. Aujourd’hui , Jean-Pierre Leleux évoque sa jeunesse au coeur de l’ancien hameau de Saint-Jacques
Je me souviens encore des effluves de jasmin durant les nuits d’été. J’ouvrais alors les fenêtres de ma chambre, située au-dessus de l’épicerie familiale. J’inspirais lentement cet air chaud, gorgé de senteurs, essayant de les garder au plus profond de moi », raconte Jean-Pierre Leleux pour qui le parfum du passé est un précieux présent. Né le 8 mai 1947 à Gand, en Belgique, Jean-Pierre s’installe à Grasse, cinq ans plus tard, avec ses parents et ses deux soeurs aînées. Son père Max, souffrant d’asthme, s’est résolu à quitter son pays natal, pour la ville de Fragonard, au climat privilégié. Avec son épouse Mimi, il reprend l’épicerie du hameau, sur la placette en face de l’église. « Dès l’aube, les clients dont la plupart s’exprimaient en patois, se pressaient dans le commerce pour acheter beurre à la coupe, mesures de lait, légumes secs en vrac et autres denrées vendues à l’unité. » Tandis que Mimi tient l’épicerie, Max livre le pain et le lait. Saint-Jacques est alors posé sur un parterre de champs de fleurs. Pendant les grandes vacances, Jean-Pierre cueille « la Fleur » dans une propriété voisine.
Pensionnaire à Jeanne d’Arc
Le garçonnet et ses deux soeurs, Micheline et Nicole fréquentent l’école du hameau avant d’être pensionnaires à Jeanne d’Arc. « J’étais le seul garçon dans un dortoir de filles, mais mon jeune âge ne me permettait pas de mesurer la chance que j’avais ! » Jean-Pierre poursuit ses études à Fénelon tout en pratiquant le scoutisme et le judo. Il devient, le jour de ses 16 ans, plus jeune ceinture noire de France. Il joue de la guitare, compose de la musique et écrit des chansons, en hommage à Brassens, Brel et Ferré. Après le baccalauréat, le jeune homme prolonge son cursus à Nice, avant de rejoindre l’Ecole Centrale de Nantes. Une fois obtenu son diplôme d’ingénieur, il enseigne la physique au lycée Masséna qui l’avait accueilli d’abord comme élève. Les vacances sont l’occasion de parcourir le monde avec un ami étudiant. «En véritables globe-trotters, nous allions à la rencontre des habitants du pays visité.»
Retrouver les parfums du passé
En 1970, Jean-Pierre épouse une jeune enseignante, Chantal et devient chargé de mission aux fêtes, art et tourisme, auprès du maire de l’époque. Il assure ensuite la direction du Centre International de Grasse, devenu depuis, un théâtre. En 1980, il crée son cabinet d’assurances, avant d’accomplir la carrière politique que l’on sait : maire de 1995 à 2014, viceprésident du conseil général et sénateur des Alpes-Maritimes depuis 2008. Président de la Commission Nationale du Patrimoine et de l’Architecture depuis deux ans et de l’association du Patrimoine Vivant de Grasse, Jean-Pierre poursuit sa démarche pour une reconnaissance au patrimoine culturel immatériel de l’Humanité, des savoir-faire liés aux métiers du parfum. « J’ai mis longtemps à évaluer cette force léguée par les anciens de ce territoire d’exception. C’est à l’âge adulte que j’ai vraiment ressenti une admiration pour ces générations passées qui ont su si bien transmettre leurs connaissances. » Aujourd’hui, Jean-Pierre et Chantal vivent à proximité de l’ancienne épicerie. Ils demeurent très proches de leurs enfants, Karine, Sébastien, Marine et de leurs huit petits-enfants. Dans son jardin, Jean-Pierre cultive quelques plants de jasmin et de roses de mai, pour retrouver les senteurs d’autrefois, à l’image de la petite madeleine de Proust. « J’ai tant reçu de cette terre grassoise qu’il m’est impossible de ne pas essayer de lui rendre aujourd’hui, une partie de ce qu’elle m’a donné. »