Peïra-Cava: un cadavre dans une fosse septique
Le corps sans vie d’un employé communal a été exhumé hier matin de la fosse septique d’une maison de Lucéram. Il aurait succombé dimanche à un tir de carabine
Tout au bout du chemin de la chapelle à Peïra-Cava(1), de jeunes femmes insouciantes rient en jouant au tennis. En ce mercredi férié, des familles avec des bambins viennent s’installer pour pique-niquer. Randonneurs et amateurs de champignons arpentent le sentier de la Cabanette. Personne ou presque ne s’est aperçu qu’à travers les frondaisons, dans le jardin d’une maison isolée qui paraît bien tenue, des techniciens d’investigations criminelles s’affairent discrètement depuis 6 heures. Le corps de Romain Biesek, un agent communal de 31 ans, a été retrouvé dans une fosse septique, vraisemblablement tué par balle. L’autopsie qui interviendra dans la semaine devrait le confirmer. L’auteur présumé du tir mortel à la carabine est le propriétaire de la maison. Bruno C., un vacher de 37 ans, célibataire, amateur de chasse. Il a été placé en garde à vue à la gendarmerie de Lucéram avant d’être transféré à Nice.
« Tir accidentel » selon le suspect
« Une enquête criminelle est ouverte pour homicide volontaire, indique sur place le procureur de la République, Jean-Michel Prêtre. Même si la personne interpellée conteste les faits. » Le suspect, fils d’une honorable famille de Peïra-Cava (dont on dit qu’elle y serait installée depuis 1713), explique qu’il aurait tiré sur une lampe qui l’empêchait de dormir. Ce serait par accident qu’il aurait mortellement blessé son compagnon de beuverie. Problème : la mort remonterait à dimanche et à aucun moment Bruno C. n’a alerté les secours ou les autorités. Au contraire, il aurait cherché un complice pour se débarrasser du cadavre. Ce projet insensé serait revenu aux oreilles d’un gendarme. Ce scénario macabre était d’autant plus vraisemblable que Romain Biesek restait, depuis deux jours, introuvable. « Il est assez fréquent qu’on dîne ensemble, témoigne Philippe, l’un de ses amis. Dimanche soir, je crois, il n’y avait personne dans son appartement. Son chien, Marco, un beauceron, n’était pas sorti. Il avait fait ses besoins dans l’appartement. Il y avait quelque chose d’anormal. » « Nous les avons croisés samedi soir. Bruno et Romain étaient ivres. Je n’étais pas rassurée. », confie une voisine qui a hésité à appeler les gendarmes. Romain venait de terminer son intérim à la mairie. Bruno avait confié son troupeau à un berger en estive sur le massif de l’Authion.
« Oisiveté et alcool »
Dans le paisible village situé à 1 500 mètres d’altitude avec vue imprenable sur le Mercantour, l’annonce de la survenue d’un crime bouleverse les habitants. Gérard, restaurateur, a fermé sa terrasse aux touristes en signe de deuil. Malgré l’afflux de clients, le coeur n’y était pas. «Je suis retournée, murmure Lison. Romain était un garçon si serviable. Vous savez, ici, on les côtoyait tous les deux tous les jours. » Romain Biesek avait quitté sa région natale, le Nord, pour travailler à l’accrobranche il y a trois ans. Sans emploi depuis le changement de gérant, cet homme athlétique venait de terminer un contrat à durée déterminée au service de la commune. « Il avait fait le village propre », salue une habitante. Tout en admettant que lui et Bruno avaient une fâcheuse tendance à s’alcooliser plus que de raison. « Ils passaient leur temps à boire, à se disputer et à se réconcilier », relate Philippe, qui le côtoyait souvent. Le maire de Lucéram, Michel Calmet, évoque un drame où se mêlent oisiveté, ennui, solitude et alcool. L’élu rêve au passage que PeïraCava, au panorama de rêve, pionnière des sports d’hiver des Alpes-Maritimes, retrouve le lustre d’antan quand la haute société des années 1900 venait ici. Le régiment de chasseurs alpins a déserté, beaucoup de commerces ont fermé. Un homme dans la force de l’âge est mort et un enfant du pays va partir en prison. Triste 15-Août à Peïra-Cava.