Nice-Matin (Cannes)

Bigflo et Oli : « On représente la France silencieus­e »

- PROPOS RECUEILLIS PAR JIMMY BOURSICOT

Dimanche dernier, ils ont déboulé sur la scène des Plages électroniq­ues, à Cannes. Face à eux, des bouilles juvéniles ravies. Partout où ils passent, Bigflo et Oli font un carton, c’est comme ça. Ok, ils n’ont pas la testostéro­ne de Booba et Kaaris, ils ne posent pas à côté de bolides valant le prix d’une villa sur la French Riviera. Côté street crédibilit­é, on repassera. En revanche, les deux Toulousain­s ont la cote auprès des enfants et de leurs parents. Petit à petit, même ceux qui les regardaien­t avec dédain se sont mis à les considérer. En deux albums, les deux frères ont réussi à popularise­r la figure du rappeur « gentil ». Le tout sans état d’âme et sans une once de cynisme. Rafraîchis­sant, quand même.

Vous avez enchaîné quinze dates au mois de juillet, et pas des moindres. Vous savez encore où vous habitez ?

Bigflo : Il me semble qu’on habite à Toulouse ! Là, c’était très intense. Depuis juin, on a joué à peu près quatre fois par semaine. C’est un truc de fou. On est bien contents que ça ralentisse un peu, parce qu’on a la voix cassée et les jambes en miettes. Après un peu de vacances, on reprendra de plus belle. Oli : On a vécu énormément de choses. C’est du bonheur, même si on est fatigués physiqueme­nt. Ça va faire quatre ans qu’on tourne. Mais on arrive toujours à vivre des choses encore plus folles que la fois d’avant. On vient de faire les Vieilles Charrues et les Francofoli­es à La Rochelle, des trucs de dingues.

Vous pensez avoir progressé ces derniers temps ?

Cette année, on a le sentiment d’avoir encore passé des caps. Et malgré tout, on a encore un peu d’appréhensi­on. On se demande si les gens viennent vraiment pour nous, s’ils vont nous aimer. Ce soir [dimanche  août N.D.L.R.] , en venant jouer dans un festival electro, je te le dis, on n’en mène pas large. Vous vous offrez le plaisir de faire monter votre père, musicien, sur scène. Avant, vous ne souhaitiez pas le mettre en avant… Bigflo: C’était plus de l’immaturité, on va dire. On n’avait pas forcément envie de nous afficher avec notre père. On se disait que notre vie personnell­e, ça n’intéresser­ait pas les gens. Et après coup, on s’est aperçus qu’ils s’identifiai­ent beaucoup et que ça les touchait beaucoup. On l’a vu avec notre deuxième album.

Être les porte-voix des « outsiders », des gens peu populaire, ça vous plaît ?

Oli : Je pense qu’on est les bons potes de tout le monde. On aime bien parler au nom de ceux qui ne peuvent pas le faire, ceux qu’on n’entend jamais. Je pense qu’on représente la France silencieus­e. Celle qui est dans son coin, qui kiffe, qui fait ses études sans foutre la merde, qui part en vacances dans les campings. On ne parle pas forcément de ces gens. Ce ne sont pas les plus cools, ils ne sont pas sur Twitter ou les bars branchés de Paris. Mais ils sont assez nombreux et on s’amuse bien entre nous, quand même.

Quand on vous qualifie de « Bisounours du rap », ça vous vexe?

Bigflo et Oli : On a toujours voulu faire une musique qui soit aimée par les gens. Je comprends qu’il y ait des artistes qui préfèrent le côté undergroun­d, sectaire. Mais nous, on a envie qu’une mamie nous dise qu’elle a kiffé. Ça nous intéresse plus qu’un puriste qui nous parle d’une ligne de flow. Après, ça n’empêche pas qu’on évolue, on grandit. La différence entre le premier et le deuxième album, elle est flagrante. Pour nous, en tout cas.

L’image du rap a également beaucoup changé…

Oli : Ce qu’a vécu le rap ces dernières années, personne n’aurait pu le prévoir. Quand notre premier disque est sorti, ça restait un peu un truc de niche. Là, on a été élus personnali­tés préférées des enfants [chez les - ans, selon l’étude annuelle Ipsos réalisée pour Le Journal de Mickey, N.D.L.R.]. C’est hallucinan­t. Quand on était gosses, c’était mal vu d’écouter Skyrock, on faisait ça presque en cachette.

Si jamais le succès vous fuyait, vous feriez quoi ?

Bigflo : Pour l’instant, on n’y réfléchit pas trop. Forcément, un jour ça marchera un peu moins ou on en aura marre. Oli : Un premier truc : on aimerait bien aider d’autres artistes à réussir, leur donner nos petits conseils. Parce qu’on a déjà vu pas mal de choses. Sinon, pourquoi pas aller vers le cinéma.

 ?? (Photo Pauline Thurier) ?? Les deux frères gravitent très haut dans le classement des ventes. Et la cour de leurs admirateur­s déborde allègremen­t de la sphère des amateurs de rap.
(Photo Pauline Thurier) Les deux frères gravitent très haut dans le classement des ventes. Et la cour de leurs admirateur­s déborde allègremen­t de la sphère des amateurs de rap.

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