Les fonds marins sauvés avec des bouées ?
Le site Natura 2000 Baie et Cap d’Antibes - Îles de Lérins concilie deux actions : la protection de l’environnement et la préservation des activités humaines. Quid de l’impact de la plaisance ?
Trop idyllique pour y croire. À la surface, la baie de GolfeJuan fait pâlir d’envie les amoureux de la Méditerranée. Ça, c’est pour le côté face. Côté pile, ce n’est pas franchement glamour sur toute la ligne. Et ce, même sur les secteurs protégés. Preuve en est avec le site Natura 2000 Baie et Cap d’Antibes - Îles de Lérins. Dans le viseur ? L’impact de la plaisance sur les fonds marins. Et plus précisément sur les herbiers de posidonies, « lieux de vie par excellence », comme Didier Laurent, responsable du service mer et environnement de la ville d’Antibes, les qualifie (voir encadré). Jouant un «rôle essentiel dans la biodiversité », ces prairies de plantes à fleurs sous-marines ont pourtant souffert. Biocénose cartographiée sous les yeux, le responsable présente la ceinture d’herbiers recensés – allant de la Salis aux îles de Lérins : « Lorsque nous avons pris connaissance de ce document nous étions pessimistes quant à l’état des posidonies du côté de Sainte-Marguerite et Saint-Honorat : 1500 bateaux dans la journée y passent au plus fort de la saison. Mais comme ce ne sont pas des grosses unités, les dégâts ont été moins importants que prévus. »
Sensibiliser et réguler
Une bonne nouvelle bien vite entachée par la réalité un peu plus à l’Est : « L’endroit le plus touché est sans conteste la zone dite du Piton, où l’on retrouve les plus importantes unités. » La pression de la plaisance parle d’elle-même. Il suffit de plonger la tête sous l’eau. Devant les photographies et vidéos, le plongeur commente: « Chaque ancre, chaque chaîne, provoque d’importants dégâts. Elles arrachent les posidonies, créent des sillons dans les herbiers qui se transforment petit à petit en canyon. Érosion, sol qui s’effondre : la plante ne reprendra pas au même endroit. » Parfois ce sont des petites tâches d’un vert fluo (voir photo) qui parsèment même la matte morte (1). Là, c’est pire ! « La Caulerpa taxifolia vient s’installer et masque la lumière nécessaire aux posidonies. Elle lui est néfaste. » Dur dur d’avoir la paix quand on est une magnoliophyte ! Pour autant, pas question de sanctuariser les 14 hectares du site Nature 2000, comme le rappelle le responsable : « La philosophie repose sur la conciliation des activités humaines avec la protection de la biodiversité. »
Le modèle décliné
Ainsi, pour sauvegarder les herbiers, l’idée n’est pas d’interdire mais plutôt de sensibiliser et de réguler. Étudiant les possibilités aux côtés des autorités de l’État, les équipes ont, depuis quatre ans, vu le quotidien des plus grosses unités changer : « Tous les navires de plus de 80 mètres doivent se signaler à la station de pilotage afin qu’ils jettent l’ancre dans la zone de mouillage préférentielle – déjà impactée : nous avons choisi de la “sacrifier” pour éviter que la détérioration se propage. » Et pour les autres bateaux ? « Nous savons que les plus petits ont tendance à dévier de cette zone pour aller vers Golfe-Juan. » Ne pouvant les contraindre à quoi que ce soit, le service mer et environnement compte sur la prise de conscience de chacun. En plus de mener à bien des actions de sensibilisation – comme d’encourager les plaisanciers à utiliser l’application Donia (voir ci-dessous) –, de nouveaux aménagements
sont envisagés. « Quatre bouées ont été installées sur les sites de plongée autour du Cap pour que les bateaux de plongée puissent s’y amarrer. Cette solution sera déclinée pour les unités plus importantes, notamment aux îles de Lérins dans un premier temps, puis autour de la Fourmigue », annonce Didier Laurent qui rappelle : «Le meilleur moyen de pouvoir protéger les herbiers, c’est que chacun puisse se rendre compte de l’importance de leur sauvegarde. »