Nice-Matin (Cannes)

Les fonds marins sauvés avec des bouées ?

Le site Natura 2000 Baie et Cap d’Antibes - Îles de Lérins concilie deux actions : la protection de l’environnem­ent et la préservati­on des activités humaines. Quid de l’impact de la plaisance ?

- MARGOT DASQUE mdasque@nicematin.fr

Trop idyllique pour y croire. À la surface, la baie de GolfeJuan fait pâlir d’envie les amoureux de la Méditerran­ée. Ça, c’est pour le côté face. Côté pile, ce n’est pas franchemen­t glamour sur toute la ligne. Et ce, même sur les secteurs protégés. Preuve en est avec le site Natura 2000 Baie et Cap d’Antibes - Îles de Lérins. Dans le viseur ? L’impact de la plaisance sur les fonds marins. Et plus précisémen­t sur les herbiers de posidonies, « lieux de vie par excellence », comme Didier Laurent, responsabl­e du service mer et environnem­ent de la ville d’Antibes, les qualifie (voir encadré). Jouant un «rôle essentiel dans la biodiversi­té », ces prairies de plantes à fleurs sous-marines ont pourtant souffert. Biocénose cartograph­iée sous les yeux, le responsabl­e présente la ceinture d’herbiers recensés – allant de la Salis aux îles de Lérins : « Lorsque nous avons pris connaissan­ce de ce document nous étions pessimiste­s quant à l’état des posidonies du côté de Sainte-Marguerite et Saint-Honorat : 1500 bateaux dans la journée y passent au plus fort de la saison. Mais comme ce ne sont pas des grosses unités, les dégâts ont été moins importants que prévus. »

Sensibilis­er et réguler

Une bonne nouvelle bien vite entachée par la réalité un peu plus à l’Est : « L’endroit le plus touché est sans conteste la zone dite du Piton, où l’on retrouve les plus importante­s unités. » La pression de la plaisance parle d’elle-même. Il suffit de plonger la tête sous l’eau. Devant les photograph­ies et vidéos, le plongeur commente: « Chaque ancre, chaque chaîne, provoque d’importants dégâts. Elles arrachent les posidonies, créent des sillons dans les herbiers qui se transforme­nt petit à petit en canyon. Érosion, sol qui s’effondre : la plante ne reprendra pas au même endroit. » Parfois ce sont des petites tâches d’un vert fluo (voir photo) qui parsèment même la matte morte (1). Là, c’est pire ! « La Caulerpa taxifolia vient s’installer et masque la lumière nécessaire aux posidonies. Elle lui est néfaste. » Dur dur d’avoir la paix quand on est une magnolioph­yte ! Pour autant, pas question de sanctuaris­er les 14 hectares du site Nature 2000, comme le rappelle le responsabl­e : « La philosophi­e repose sur la conciliati­on des activités humaines avec la protection de la biodiversi­té. »

Le modèle décliné

Ainsi, pour sauvegarde­r les herbiers, l’idée n’est pas d’interdire mais plutôt de sensibilis­er et de réguler. Étudiant les possibilit­és aux côtés des autorités de l’État, les équipes ont, depuis quatre ans, vu le quotidien des plus grosses unités changer : « Tous les navires de plus de 80 mètres doivent se signaler à la station de pilotage afin qu’ils jettent l’ancre dans la zone de mouillage préférenti­elle – déjà impactée : nous avons choisi de la “sacrifier” pour éviter que la détériorat­ion se propage. » Et pour les autres bateaux ? « Nous savons que les plus petits ont tendance à dévier de cette zone pour aller vers Golfe-Juan. » Ne pouvant les contraindr­e à quoi que ce soit, le service mer et environnem­ent compte sur la prise de conscience de chacun. En plus de mener à bien des actions de sensibilis­ation – comme d’encourager les plaisancie­rs à utiliser l’applicatio­n Donia (voir ci-dessous) –, de nouveaux aménagemen­ts

sont envisagés. « Quatre bouées ont été installées sur les sites de plongée autour du Cap pour que les bateaux de plongée puissent s’y amarrer. Cette solution sera déclinée pour les unités plus importante­s, notamment aux îles de Lérins dans un premier temps, puis autour de la Fourmigue », annonce Didier Laurent qui rappelle : «Le meilleur moyen de pouvoir protéger les herbiers, c’est que chacun puisse se rendre compte de l’importance de leur sauvegarde. »

 ?? (Photos DR) ?? Les ancres et chaînes font des dégâts sur les herbiers de posidonies : arrachée sur un sol érodé, la plante marine ne peut renaître de ses cendres. Sur sa matte morte (en haut à gauche), la Caulerpa taxifolia s’en donne à coeur joie.
(Photos DR) Les ancres et chaînes font des dégâts sur les herbiers de posidonies : arrachée sur un sol érodé, la plante marine ne peut renaître de ses cendres. Sur sa matte morte (en haut à gauche), la Caulerpa taxifolia s’en donne à coeur joie.

Newspapers in French

Newspapers from France