GÊNES ET L’ITALIE PLEURENT LEURS MORTS
Des milliers de personnes ont assisté hier aux funérailles nationales des victimes de l’accident du pont Morandi. Un fonds de M€ va par ailleurs être créé pour les proches.
Gênes et l’Italie ont dit adieu, hier, aux victimes de l’effondrement du pont autoroutier qui surplombe la capitale de la Ligurie lors de funérailles nationales boycottées par la moitié des familles des 43 victimes. La cérémonie religieuse solennelle, célébrée par l’archevêque de Gênes, le cardinal Angelo Bagnasco, a commencé peu après 11 h 30 dans un grand hall du parc des expositions de Gênes, en présence des plus hauts responsables de l’Etat et de milliers d’habitants.
Une journée de deuil national
Un deuil national a été décrété toute la journée en Italie : les drapeaux sont en berne et l’éclairage de nombreux monuments, dont le Colisée à Rome éteint. Pour la reprise du championnat de football ce week-end, les joueurs observeront une minute de silence et porteront un brassard noir. Les matches des deux équipes de Gênes, la Sampdoria et le Genoa, ont en revanche été reportés, et des dirigeants et joueurs des deux clubs étaient présents aux funérailles. Des milliers de personnes ont pris place dans l’immense pavillon Jean Nouvel du parc des expositions, où 18 cercueils ont été alignés sous d’énormes gerbes de fleurs, dont le petit tout blanc de Samuele, 8 ans, fauché avec ses parents alors que la famille partait prendre un ferry pour des vacances en Sardaigne. Deux des cercueils étaient aussi recouverts d’un drapeau albanais, avec l’aigle noir sur fond rouge (lire cidessous). Le président italien Sergio Mattarella, le chef du gouvernement Giuseppe Conte, les présidents des deux chambres du Parlement, la plupart des ministres ainsi que des représentants de gouvernements étrangers, mais aussi les principaux dirigeants d’Autostrade per l’Italia, la société gestionnaire de l’autoroute. Matteo Salvini et Luigi Di Maio, les deux hommes forts du gouvernement populiste qui se sont livrés ces derniers jours à une surenchère dans l’indignation, ont été vivement applaudis à leur arrivée.
Colère des familles
Les familles d’une partie des victimes ont cependant choisi de ne pas participer à la cérémonie, certains préférant des funérailles plus intimes et dans leur ville, d’autres annonçant clairement un boycott. « Mon fils a été assassiné », a répété vendredi sur toutes les ondes le père de l’un des quatre jeunes de Torre del Greco, près de Naples, morts sur la route de leurs vacances, en pointant la responsabilité de l’Etat. « On ne doit pas mourir de négligence, d’incurie, d’irresponsabilité, de superficialité, de bureaucratisme » ,amartelé l’archevêque de Naples, Crescenzio Sepe, dans son homélie lors des obsèques des quatre jeunes, célébrées vendredi comme pour d’autres victimes à travers l’Italie. Les photos souriantes et les destins brisés des victimes s’affichaient dans tous les journaux italiens : un ancien champion de moto trial, un médecin et une infirmière qui allaient se marier, quatre jeunes Français partis faire la fête, trois Chiliens qui s’étaient installés en Italie, un routier napolitain qui rentrait après une livraison en France, un couple de retour de voyage de noces...
Haro sur la société gestionnaire
Face à l’émotion et à la colère, le gouvernement a attaqué Autrostrade per l’Italia, la famille Benetton qui contrôle le groupe, l’incurie des gouvernements précédents – même si la Ligue a toujours été un allié au pouvoir de Silvio Berlusconi – et l’Union européenne. Vendredi, le ministère des Infrastructures a officiellement adressé un courrier à Autostrade en vue de révoquer la concession de la société sur le tronçon du pont. Le nord de l’Italie se prépare aussi à un premier week-end de retour de vacances compliqué par la fermeture de cet axe majeur entre la France et l’Italie.