La grande émotion de milliers de Génois
Dix-huit cercueils alignés les uns à côté des autres. Dans l’immense pavillon de la « Fiera», le parc des expositions de Gênes, réaménagé pour les funérailles d’Etat des victimes de l’effondrement du pont « Morandi », des milliers de personnes sont rassemblées, visages fermés, anéanties par le drame. Outre des familles et proches de victimes, des personnalités (lire par ailleurs), de très nombreux Génois et habitants de la Ligurie sont venus assister à la cérémonie pour rendre hommage aux disparus. Ceux qui n’ont pas pu trouver de place sont rassemblés à l’extérieur. « Je suis là pour eux, pour les personnes dans les cercueils, mais pas pour célébrer les hommes politiques. Ce massacre n’est pas un accident », s’insurge Mario, Génois de 37 ans, en pointant du doigt les responsabilités de ceux qui auraient dû entretenir l’infrastructure. Pietro, lui aussi, partage le choix des familles absentes : « Dans cette histoire, l’Etat italien est coupable. Le gestionnaire Autostrade per l’Italia est coupable, comme la famille Benetton [qui possède 30% de la société par le groupe Atlantia, ndlr]. Il n’y a pas eu de respect pour les morts avec la controverse politique qui a démarré juste après le drame », lâche-til, après l’office du cardinal Bagnasco. Vendredi, Rome a lancé la procédure pour retirer la gestion des autoroutes à la société contrôlée par la famille Benetton. Dans le grand hall, la douleur se mêle à la colère : « Tout le monde savait que le pont ne pouvait pas tenir longtemps, mais on a fait semblant de rien », affirme Giovanna. A quelques mètres d’elle, Amira se dit émue : « J’habite à Gênes depuis 15 ans, c’est devenu ma maison. Je connaissais la mère d’une victime. Ce drame aurait pu arriver à tout Génois. Ça nous concerne tous. » Au moment où les cercueils s’éloignent dans une longue file de voitures, la pluie fait son apparition comme pour rappeler ce terrible matin du 14 août balayé par les intempéries. Antonio salue pour la dernière fois son ami Marius Djerri : « On jouait dans la même équipe de foot. Il est parti trop tôt, il n’avait que 22 ans. Il ne me reste que la colère et les souvenirs. Marius était toujours positif et plein d’énergie. Aujourd’hui je préfère me rappeler de son sourire. »