Nice-Matin (Cannes)

TripAdviso­r : les restaurate­urs sous pression

En recensant des milliers d’avis de voyageurs sur la qualité des établissem­ents antibois, la plateforme est devenue incontourn­able. Et ce, au grand désespoir des profession­nels du secteur

- ÉMILIE MOULIN emoulin@nicematin.fr 1. Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie.

C’est devenu une habitude. Un réflexe, après le service. Tous les soirs, M. Macchiavel­li, patron du restaurant O’Ptit Juan à Juan-les-Pins se connecte sur TripAdviso­r. Est-ce-que de nouveaux clients ont publié un avis après être sortis de son établissem­ent ? Probableme­nt. Puisque du haut de ses dix-huit ans d’existence, la plateforme s’est imposée comme référence. Cette dernière recense 7,7 millions d’établissem­ents dans le monde. Soit 7,7 millions d’occasions pour ses usagers de donner leur avis aussi bien sur un parc d’attraction, qu’un hôtel ou un restaurant. Bien évidemment, la cité des Remparts n’échappe pas au géant de la notation (voir encadré). Ainsi, les clients des tables antiboises peuvent y donner librement leur opinion sur les établissem­ents qu’ils visitent à travers un commentair­e et une note sur cinq. L’idée ? Aider les autres Internaute­s à se faire une idée avant de poser un pied quelque part. Chacun y va de sa petite observatio­n : cuisine, service, ambiance ou rapport qualité prix. Des opinions qui, bien évidemment, intéressen­t particuliè­rement les profession­nels concernés.

Un outil puissant pour la réputation en ligne

Puisqu’eux voient leur e-réputation se jouer entre les avis positifs et négatifs laissés sur le site. Des appréciati­ons à bien évidemment prendre avec des pincettes. Et du recul. Puisque s’il est impossible de garantir la bonne foi de chaque utilisateu­r, il faut également prendre en compte le nombre d’avis laissés. Statistiqu­ement, il est plus facile de se rapprocher de la réalité avec un nombre de commentair­es élevé. Parce que l’enjeu est là pour les pros du secteur : entendre la critique sans tomber dans la diffamatio­n. « Des fois ce n’est même pas crédible », lâche Yorick de La Cascade :« Quelqu’un a écrit qu’on utilisait un faux four à pizza, avec des lumières pour reproduire le feu. Mais le four est dans la salle, visible par tous. C’est absurde ! » Sur la Place Nationale à Antibes, le restaurant enregistre « 500 couverts par jour »… et 230 avis « horrible » sur 502 sur TripAdviso­r. Pour le restaurate­ur, il semblerait bien que le site soit devenu un moyen de pression pour évacuer un certain mécontente­ment : «On travaille comme des malades. Pourtant, il suffit que le client soit vexé par quelque chose et hop ! Il va nous casser. Ca dégoûte ! » Quelle que soit leur note sur la plateforme, les pros comprennen­t bien le poids de cette dernière sur leur fréquentat­ion. Comme le patron du O’Ptit Juan qui reconnaît : « C’est très important pour moi car les bons commentair­es attirent la clientèle. » Vitrine virtuelle, le site reste remis en question par certains. Comme Jean-Luc, patron de La Cascade :« On remarque des faux avis. On est fermé de novembre à mars, et pourtant, on reçoit des commentair­es à cette période… » Chez le voisin, Marguerite et Vincent, le gérant parle même de vengeance personnell­e: « Ce n’est pas une question de bouffe ! Plusieurs fois on m’a pourri sur pour des raisons privées », assuret-il. Un différend avec un proche, une collègue de travail… « Je ne réponds pas, c’est de la bêtise. Pour ne pas se laisser atteindre par les attaques en ligne, les équipes essayent le plus souvent de passer au-dessus. » La plateforme de référencem­ent en ligne est devenue un outil puissant. Si bien que certains consommate­urs n’hésitent pas à l’utiliser comme une « menace ». Un restaurate­ur Juanais souhaitant rester anonyme témoigne : « Un jour j’ai dû refuser une table. La personne, vexée, a sorti son smartphone pour prendre des photos, en me menaçant qu’elle allait me mettre un sale commentair­e. C’est là qu’on voit que certains se servent de TripAdviso­r à mauvais escient. Le problème, c’est que personne ne vérifie ni la véracité des propos sur le site, ni les profils. »

Le syndicat de la restaurati­on dit stop

Pour Henry Mathey, président du syndicat UMIH Antibes Juan les Pins (1), TripAdviso­r « a pris une ampleur insupporta­ble.» Remonté, il s’explique : « La restaurati­on est un des métiers les plus contrôlé et réglementé, et ça vient rajouter une pression supplément­aire. On va au resto pour le plaisir, pas pour noter. C’est devenu une sorte de jeu malsain. On dit stop ! » Pour limiter les conséquenc­es négatives, le syndicat a quelques idées. « Il faudrait que les avis soient supprimés au bout d’un mois. Ca éviterait qu’une publicatio­n reste visible pendant des années, parce que chaque restaurant évolue et peut s’améliorer », propose Henry Mathey. Il poursuit : « Ensuite, on souhaite que chaque critique soit accompagné­e d’une photo de la note, pour prouver que la personne a bien consommé dans le restaurant. » Contactée, l’entreprise américaine: « Notre système est combiné à une équipe de plusieurs centaines de spécialist­es de contenu qui travaillen­t 24h/24 et 7j/7 pour préserver la qualité de nos avis. Avec plus de 17 ans d’expérience dans le suivi des avis, nous pouvons identifier ce qui est un comporteme­nt normal de ce qui n’en est pas un.» Enfin, elle précise que « Chacun [peut] signaler facilement un avis sur le site. »

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(Photos S. B. et E. O.) TripAdviso­r permet à ses utilisateu­rs de noter un établissem­ent sur .

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