Nice-Matin (Cannes)

De l’histoire religieuse à la culture populaire

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Si le mot bélin partage avec le nom du dieu gaulois Belenos la racine « bel » (de bélier), il n’en est pas pour autant directemen­t un simple dérivé. L’origine de ce mot désignant le pénis, au risque de choquer, serait en fait… chrétienne. C’est Samantha Nobilo, Mentonnais­e très au fait de la culture de sa commune, qui raconte. « L’explicatio­n orale, je la tiens de ma grand-mère, comme d’autres de leurs aïeux, et mes recherches m’ont permis de conforter l’informatio­n sur l’origine du mot bélin. Pour résumer, lors de la tenue de crèches vivantes, un berger rejoignait les autres corps de métier, qui représenta­ient la société humaine, accompagné d’un belinou. Un belinou était un agneau né d’une brebis et d’un bélier et qui n’était pas tondu. L’animal représenta­it l’esprit sain (agnus dei = agneau de Dieu) qui permettait aux hommes de voir Dieu et s’exprimer directemen­t à lui. Le mot belinou a donné le nom à la fonction du berger et celui-ci est devenu monsieur Bélin. » « Puis, de fil en aiguille, “bélin” a été utilisé pour se moquer un peu de la fonction, mais c’est cet humour qui a permis de conserver le mot dans notre culture linguistiq­ue. » Le bélin d’aujourd’hui, dans une conception psychanaly­tique, représente­rait donc, comme celui d’hier, le concept de la transmissi­on du descendant à la génération suivante. D’esprit sain au phallus, il n’y a finalement qu’un pas que franchisse­nt, l’humour aidant, tous ceux qui emploient le mot bélin. Aujourd’hui, le mot « bélin » n’a pas perdu de sa superbe. Chacun l’entend depuis son plus jeune âge dans les interjecti­ons et expression­s de la vie courante. Tel le simple « Bélin ! » qui signifie « Fichtre ! », pour rester poli, ou encore « Quel abéliné » que l’on traduirait à Marseille par « Quel fada ». Le bélin, on le trouve également au restaurant « D’aqui » en plein coeur de Menton. Là, Franck Ballestra sert, dans des assiettes joliment décorées d’un Campanin affublé de deux citrons, des hamburgers aux panisses. Nommés McBélin ou encore Royal McBélin, ils sont, là aussi avec humour, un pied de nez au géant américain du fast-food. Au Parisien curieux qui ne saura pas le sens du mot qu’il ramène fièrement chez lui, le Mentonnais n’hésitera pas aussi à lui présenter le « Bélin de Marine ». Il s’agit d’un mollusque comestible, de la famille des concombres de mer, à la forme des plus suggestive­s. Et qui, à Menton, ne connaît pas la Confrérie du Bélin d’Or fondée par Jean-Marie Ferraro, entouré de plusieurs comparses dont Philippe Orengo, José Perche ou Ange Bardin ? Une confrérie officieuse qui, chaque année, récompense un à deux acteurs de la vie mentonnais­e. Et ce, lors d’une cérémonie parodique et chaleureus­e pour décerner au nouveau chevalier un pin’s du bélin recouvert d’or fin. Les anecdotes locales ne manquent pas. On pourrait vous en raconter plein d’autres. Oh que oui, bélin !

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