Nice-Matin (Cannes)

L’amour sans filtre entre les Leleu et la photograph­ie

Aujourd’hui, rendez-vous dans le magasin de photo de Véronique et son frère Denis...

- HÉLÈNA SARRACANIE hsarracani­e@nicematin.fr

Tous les samedis, nous vous proposons une série mettant à l’honneur le savoirfair­e transmis entre génération­s. Des histoires et des familles. Des noms que vous connaissez sûrement. Des patronymes qui font écho à une ville, à un métier, à une identité.

ÀAntibes, quand on prononce le nom Leleu, on pense immédiatem­ent à la photograph­ie. Il faut dire que la famille s’occupe des clichés des Antibois depuis un bon bout de temps. Mais en plus de trente ans de métier, Denis Leleu et sa soeur Véronique Michelon n’ont jamais laissé la routine et la lassitude s’installer. « On n’a jamais envisagé de faire autre chose, affirme Denis, sous les affirmatio­ns de sa soeur, cette relation qu’on a avec nos clients et ce plaisir d’être en contact avec eux, nous empêchent de tomber dans la lassitude. » Leurs parents, arrivés dans la cité des Remparts en 1953, ont ouvert un premier magasin la même année, avenue du Grand Cavalier. À cette époque, le secteur est très animé et dynamique. Au fur et à mesure que la famille se construit une réputation, le besoin d’ouvrir un second commerce se fait ressentir. En 1987, c’est chose faite : la famille s’implante boulevard Albert 1er. Un endroit bien plus stratégiqu­e. C’est d’ailleurs pour cette raison que Denis et Véronique ont décidé de garder cette enseigne et de fermer l’autre en 2015. En ayant grandi avec des parents passionnés de photograph­ie, ils n’ont pas pu y échapper. Marcher dans leurs pas a été une évidence. Ils ont même réussi à entraîner leurs conjoints dans l’aventure. Les trois autres salariés sont présents depuis une trentaine d’années. C’est comme une grande famille.

Tous les métiers ont changé au fil des années, notamment grâce aux progrès techniques et technologi­ques. Mais celui de photograph­e tout particuliè­rement. La transition numérique a bouleversé la profession, à tel point que beaucoup de boutiques ont disparu. « À Antibes, il ne reste plus que deux magasins, avant il y en avait une dizaine

», se remémore Denis. Véronique complète : « Nous avons des clients qui viennent de Vallauris, Biot et Grasse parce qu’il y a peu de photograph­es. » La transition numérique et l’arrivée des smartphone­s sont les deux causes principale­s de ce chamboulem­ent. Selon les Leleu, ce qui leur a permis de tenir, c’est justement l’anticipati­on dont ils ont fait preuve. Denis s’explique :

«Nous avons suivi les évolutions technologi­ques avant que cela ne devienne une question de survie. Nous avons pris le virage du numérique à une époque où la plupart des profession­nels préféraien­t rester dans l’argentique. » Le frère et la soeur sont d’accord sur un point : au moment de l’arrivée timide du numérique dans la profession, aucun n’aurait parié que tout changerait aussi vite. Mais il ne

faut pas croire que les pellicules ont totalement disparu. Il reste malgré tout des amoureux du vintage et du bon vieil appareil photo argentique. «Ona encore des clients qui nous amènent des pellicules à développer et ce sont souvent des jeunes. Eux qui ont presque toujours connu le numérique, ils veulent voir ce que ça fait de se servir

du matériel rétro », explique Denis. Il résume tout le paradoxe de la photo de nos jours: «On n’a jamais pris autant de photos et on en a jamais aussi peu tiré. »

Que ce soit pendant des spectacles, devant un célèbre monument ou face à un beau paysage, on voit de moins en moins d’appareils photo. Pour ne pas dire plus du tout. « Les gens investisse­nt plus dans les téléphones que les appareils, il n’y a que les passionnés et les profession­nels qui misent sur le haut de gamme », avance Véronique. Malgré la sortie de téléphones dernier cri, l’amour du traditionn­el album persiste chez les Antibois. Par peur de tout perdre, les clients viennent tirer leurs photos stockées sur leur téléphone ou ordinateur. Internet reste le principal concurrent des photograph­es comme les Leleu. Dans les années soixante-dix et quatreving­t, au moment où Denis et Véronique débutaient dans la profession, c’était plutôt les grandes surfaces. À chaque bouleverse­ment, les Leleu ont su rebondir : « On a toujours dû se remettre en question et apprendre de nouvelles techniques. » Tôt ou tard, Denis et Véronique devront vendre leur commerce, faute de relève pour leur emboîter le pas. En abordant le sujet, il y a forcément une pointe de tristesse dans leur voix. Mais aussi de l’espoir. « On espère que ça restera un magasin de photos... ». Pour l’instant, les Leleu préfèrent garder un pied dans le présent, sans se soucier de l’avenir.

On a jamais pris autant de photos” On a toujours dû se remettre en question”

 ??  ?? De gauche à droite, Denis Leleu, son épouse Florence, sa soeur Véronique Michelon et son mari Jean. = Véronique, devant l’ancienne boutique de la famille, avenue du Grand Cavalier en . > Les parents et la grand-mère de Véronique et Denis devant le premier magasin de la famille en . ? Le magasin des Leleu, boulevard Albert-er en . Cette même boutique de nos jours. (Photos H. S, archives Nice-Matin et DR)
De gauche à droite, Denis Leleu, son épouse Florence, sa soeur Véronique Michelon et son mari Jean. = Véronique, devant l’ancienne boutique de la famille, avenue du Grand Cavalier en . > Les parents et la grand-mère de Véronique et Denis devant le premier magasin de la famille en . ? Le magasin des Leleu, boulevard Albert-er en . Cette même boutique de nos jours. (Photos H. S, archives Nice-Matin et DR)
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France